Belle visage

1542 Words
POINT DE VUE D'ALEC — Comment diable allons-nous la retrouver ? gémit DeMalo alors qu’on marche dans la rue. — Je ne sais pas. Pourquoi ne me le dis-tu pas ? N’est-ce pas toi qui m’as entraîné ici pour la retrouver ? rétorqué-je, agacé. — Tu ne veux pas la voir ? C’est ton âme sœur, après tout, réplique DeMalo, me forçant à me taire. Oui, je veux la voir… et en même temps, non. — C’est bien ce que je pensais, marmonne-t-il. Les rues deviennent de plus en plus familières à mesure qu’on les traverse. Pour une raison obscure, on a décidé de commencer par les blocs autour de celui où j’ai aperçu Raven. On passe d’innombrables heures à chercher un quelconque indice. Comme tu t’en doutes, on ne trouve absolument rien. Elle est invisible dans cette ville de millions d’habitants. Finalement, je me retrouve sur le trottoir d’une rue familière entre toutes. L’odeur de sang coagulé émane de la poubelle située dans l’allée de l’autre côté de la rue. Depuis l’endroit où je suis, je peux voir les briques fissurées du mur. DeMalo s’arrête à côté de moi, un sourire narquois aux lèvres. — Je suppose que c’est là ? dit-il en désignant l’odeur. J’acquiesce et reprends ma marche. Soudain, j’entends un craquement sous mon pied et je lève la jambe pour voir ce que j’ai écrasé. C’est du verre. En regardant de plus près, je découvre un téléphone. Je le ramasse précautionneusement et l’examine. J’appuie sur le bouton d’alimentation. Rien. J’espère toujours qu’il s’allume, alors je reste appuyé un instant de plus. Toujours rien. Je soupire. — C’était à elle ? demande DeMalo en se rapprochant. — Ouais. Mais il est inutilisable, dis-je d’une voix froide. Je laisse tomber le téléphone et m’adosse au mur. Après une minute ou deux, je regarde dans la direction d’où elle est venue la nuit dernière. Je me redresse et commence à marcher. En suivant ses pas, je finis par arriver à une petite intersection. Je m’arrête et, soudain, du coin de l’œil, j’aperçois un éclat de couleur verte militaire. Instinctivement, je me retourne pour voir ce qui a attiré mon attention. De l’autre côté de la rue se trouve un café pittoresque aux grandes fenêtres dévoilant l’intérieur. Et elle est là, tenant sa tasse et la fixant. Je me fige sur place et l’observe remuer son café. Il y a un homme avec elle qui lui parle, et je sens en moi une pointe de jalousie qui me brûle. Je n’ai pas le temps d’écouter leur conversation, car je réalise que DeMalo est à côté de moi. — Quelque chose ? demande-t-il en regardant autour. Je secoue la tête et détourne les yeux. Un sentiment de malaise me submerge, et pour une raison que j’ignore, je décide de jouer la comédie. Je n’ai pas envie que DeMalo voie à quoi elle ressemble. Pas encore, du moins. Je ne veux pas qu’il la regarde. Il est impossible de nier la beauté qu’elle dégage. Qui pourrait détourner les yeux ? — Non, menti-je. — Eh bien, on vient de perdre six heures. Je retourne à l’hôtel, soupire-t-il en s’éloignant. Je hoche la tête et enfonce mes mains dans mes poches. — Tu ne viens pas ? demande-t-il en se retournant lorsqu’il réalise que je ne le suis pas. — Non, je pense que je vais rester ici encore un peu, dis-je. DeMalo hoche la tête et se détourne. — On se voit à l’hôtel, dit-il, et en une seconde, il a disparu. Je laisse échapper un soupir, réalisant seulement maintenant que je retenais mon souffle. En me retournant vers la fenêtre du café, je remarque que l’homme qui était avec elle est parti. Je serre la mâchoire et prends ma décision. Je traverse la rue et me poste devant la porte du café. Je la fixe un instant, puis attrape la poignée et entre. POINT DE VUE DE RAVEN Je sens mes mains trembler alors que je serre ma tasse de café brûlante. J’inspire profondément, jetant un coup d’œil vers les portes du café toutes les dix secondes. J’avale avec difficulté, ma gorge est nouée. J’attends que mon frère vienne m’expliquer ce qu’il a de si important à me dire. Une main se pose sur mon épaule, et je sursaute presque. Je me retourne et le vois sourire. Je pose ma tasse et me lève pour le saluer. — Hé, ma sœur, dit Steven en m’enveloppant dans un câlin. Je passe mes bras autour de lui et soupire contre son sweat-shirt. — Hé, murmuré-je doucement contre son torse. Je me détache de lui et retourne m’asseoir. Il s’assoit en face de moi, pose son café sur la table et me sourit. Mais je vois de la pitié dans son regard. — Ça va ? demande Steven en remuant le liquide brun. Je ricane légèrement. — Suis-je censée aller bien ? demandé-je d’une voix rauque, repensant à ce qui s’est passé hier soir au dîner de famille. — À mon avis, non, répond Steven avec un petit rire. Mes lèvres esquissent un demi-sourire alors que je fixe ma tasse encore pleine. — Est-ce que je devrais vouloir leur pardon ? Est-ce qu’ils ont vraiment une place dans ma vie ? Ou bien est-ce que je serais mieux sans eux ? dis-je à haute voix, énumérant les questions qui me trottent en tête depuis toute la nuit. — Raven… Ce sont nos parents, commence-t-il, mais je lève les yeux vers lui, et il se tait dès qu’il voit mon expression. — Ne mens pas, Steven. Ils n’ont jamais été mes parents. On le sait tous les deux, dis-je, sentant une vieille blessure se rouvrir à l’idée de l’admettre à haute voix. La nuit dernière, c’était la première fois en deux ans qu’ils m’appelaient… Je baisse les yeux sur mon café une fois de plus. Une colère sourde monte en moi à cette pensée. — Et tout ce qu’ils voulaient, c’était se vanter de la perfection de leur petite famille, en particulier de Casey, sifflé-je, roulant des yeux à l’idée même de me demander si je devrais les réintégrer dans ma vie. La nuit dernière, c’était la goutte de trop. Je finis par attraper ma tasse et en bois une petite gorgée, espérant que Steven va dire quelque chose pour apaiser le mélange d’émotions en moi. — Je ne peux pas te mentir, Raven. Je ne peux pas te forcer à les appeler nos parents. Qui serais-je pour te faire ça ? Tu es ma petite sœur et la personne la plus incroyable que je connaisse, dit Steven d’une voix pleine de compassion. Je sens mes yeux s’embuer. Il sait toujours quoi dire. Toujours. — Quand on était encore au lycée et qu’on vivait sous le même toit, je ne supportais pas de voir Maman et Papa écraser ton individualité. C’était insupportable ! Mon Dieu, j’avais envie de réduire Papa au silence chaque fois qu’il ouvrait cette grande bouche, dit Steven. Un rire m’échappe, et il me sourit, riant lui aussi. Il se tait ensuite, buvant une gorgée de sa boisson, et je lève les yeux de mon café, un léger sourire aux lèvres. — Tu sais toujours quoi dire pour me faire sentir mieux, lui dis-je sincèrement. Il sourit et repose son verre. — Oh, vraiment ? demande-t-il en riant. Je ricane et hoche la tête. Un léger bourdonnement émane de la poche de Steven. Il sort son téléphone, regarde l’écran, puis fronce les sourcils avant de répondre. — Allô ? dit-il, et reste silencieux en écoutant l’interlocuteur à l’autre bout du fil. — Oui, j’arrive tout de suite, dit-il avant de raccrocher et de se lever de sa chaise. Je devine immédiatement que c’est le commissariat qui l’appelle pour le travail. — Ils viennent de trouver un corps dans une rue. Je suis vraiment désolé de devoir partir, dit-il avec une pointe de culpabilité. Je me lève aussi et lui souris. — Ne t’inquiète pas. Te parler m’a vraiment fait du bien, lui dis-je. Il sourit et me serre dans ses bras. — Quand tu veux, ma sœur, dit-il en s’écartant avant de partir. Je me rassois et prends une gorgée de café. La cloche de la porte du café retentit pour annoncer l’arrivée d’un nouveau client. Je lève les yeux de ma tasse et vois un homme entrer. La première chose que je remarque chez lui, c’est sa carrure. Pas un seul centimètre de son corps n’a l’air d’échapper à la tonicité. On dirait une statue ambulante. Sa mâchoire semble ciselée comme une sculpture de Michel-Ange. Il doit sentir mon regard, car à peine quelques secondes après être arrivé pour passer commande, il tourne les yeux vers moi. Je me détourne vivement, préférant regarder par la fenêtre. Pourtant, j’ai eu le temps d’apercevoir ses yeux avant de me concentrer ailleurs. Mais je sens encore son regard sur moi, brûlant ma peau au niveau du cou, là où ses yeux s’étaient posés. Je sens mon visage rougir de gêne. Je jette un coup d’œil discret pour voir s’il me regarde toujours, mais il a disparu. La porte se ferme avec un tintement, et je n’aperçois que son ombre s’éloignant, puis il n’est plus là. ASUIVRE.....
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