Dany fixait le lever du soleil sur l’Atlantique, assis sur le sable froid.
Pour la première fois depuis bien longtemps le surf lui manquait. Vraiment.
Poussant un soupir, il ferma les yeux.
Il se revoyait au milieu de l’océan, la sensation de l’eau en mouvements contre ses jambes, le soleil haut chauffant et séchant son corps mouillé, le brunissant, le mouvement latent de sa planche sous lui, l’impatience et l’attente de la parfaite vague. Puis, il s’élance, se positionne et se laisse glisser le long de cette pente d’eau un sourire heureux aux lèvres. Pendant quelques instants, celle-ci se retrouve au-dessus de lui, le menaçant de l’engloutir, mais il la prend de vitesse et en sort le sourire aux lèvres.
Avec un rire, il rouvrit un œil et contempla l’horizon puis le second.
Pendant un instant, il avait cru se retrouver au milieu de l’océan surfant une vague de quatre mètres de haut. Comme il y a encore deux mois.
Deux mois. C’était incroyable comme la vie pouvait changer en un instant.
Au cours de sa carrière de surfeur, il avait bien eu des chutes et des accidents, mais aucun ne l’avait laissé aussi blessé et au point de lui faire manquer de ne plus pouvoir pratiquer sa passion.
Scrutant son genou marqué d’une cicatrice chirurgicale, il eut une moue.
Allait-il devoir vraiment abandonner le surf ? Seul le temps avait la réponse. Et pour l’instant, le temps semblait pour lui s’égrener avec lenteur.
Il devrait peut-être commencer à vraiment penser à une reconversion comme lui avait dit son oncle. Mais que pouvait-il faire et savait-il faire d’autre que de surfer ? Il avait passé ses dix dernières années à ne faire que ça. Et même s’il était copropriétaire du bar the Hill, il n’avait aucune envie de se reconvertir en tant que barman ou régisseur. Même si tout comme sa petite sœur, il lui était arrivé de faire le barman dans sa jeunesse. Il gardait un certain savoir-faire pour préparer des cocktails mortellement alcoolisé.
Poussant un autre lourd soupir, il leva la tête au ciel à la recherche d’une inspiration quelconque, mais les minutes passant aucune idée ne lui venaient en tête.
La semaine dernière encore, resté ici quelques jours semblaient la meilleure des idées, mais maintenant il avait l’impression de s’ennuyer ferme.
Certes, Patrick l’envoyait faire quelques courses pour le bar de temps et temps ou il l’y invitait pour qu’il les aide et ainsi qu’il se distrait, et voir comment ça fonctionnait et tout ça, mais cela ne marchait qu’un temps. Puis venait la nostalgie.
Il n’était pas du genre à penser qu’il avait du sel dans les veines comme les marins, à vouloir toujours rester sur sa planche au milieu de l’eau, mais après avoir fait cela aussi longtemps resté loin de la mer ou d’une planche lui paraissait complètement anormal.
Baissant la tête, il se leva et après avoir ôté son t-shirt et son bermuda, se dirigea en caleçon vers l’océan.
L’eau à cette période de l’année était froide comme il s’en était rendu compte il y a quelques jours lorsqu’il avait pris son premier bain de mer le lendemain de son arrivée, mais il en fallait plus pour l’empêcher de se jeter à l’eau. Mais pour éviter plus de contrainte à son genou, il ne restait que peu de temps dans la mer.
Après quelques brassées, Danny se laissa flotter un instant allongé sur le dos en scrutant le ciel qui d’où disparaissait les couleurs délicates de l’aurore. Un rappel cuisant que tout était super qu’éphémère dans cette vie.
Exhalant un soupir, il retourna sur la plage, mais avait à peine fait quelques pas sur le sable que sa douleur au genou se rappela à lui.
Avec une grimace, il ramassa ses affaires, se rhabilla puis retourna en clopinant quelque peu vers sa voiture. Il avait voulu louer un bungalow où séjourner dès qu’il avait accepté la proposition de son oncle de rester à Montauk quelques jours, mais celui-ci avait refusé et après insistance – sa manière de faire lui rappelant étrangement sa mère −, il avait accepté de rester squatté chez lui.
Il traversa la petite ville jusqu’à la maison de son oncle et fut heureux de sentir l’odeur de café frais à peine passa-t-il la porte d’entrée.
Il y avait du bon à ne pas vivre seul. Il se dirigea vers la cuisine, mais n’y trouva pas son oncle. À savoir où il se trouvait à une telle heure de la journée, car il savait qu’il n’était pas dans la maison. Il s’était bien rendu compte de ses horaires ses derniers jours.
Poussant un soupir, il alla se servir une grande tasse de café frais, en but une grande gorgée, avant de monter, sa tasse en main, dans la petite chambre où il dormait.
Il avait besoin de prendre un bain pour s’ôter le sable et le sel du corps.
Quinze minutes plus tard, il descendit à la cuisine affiliée d’un bermuda jean et d’un t-shirt et se prépara un solide petit-déjeuner qu’il engloutit vivement, en se demandant ce qu’il allait faire de sa journée.
Depuis son arrivée, il avait eu le temps de visiter les Hampton de long en large et d’admiré la décadence de luxe du célèbre village. Il était donc facile de comprendre pourquoi le prix de location d’une petite maison pouvait être aussi haut que celle qu’il avait souhaitée louer. Mais ce ne serait pas la chose la plus chère qu’il s’achetait avec son argent si durement gagné.
En parlant d’argent, il allait devoir contacter son agent et voir avec lui l’évolution de son dernier contrat publicitaire pour une entreprise d’outils de plongée. Il n’avait aucun tournage publicitaire prévu avant un mois, mais vu son état qui sait si ceux-ci ne seraient pas tentés d’aller voir ailleurs.
Ses derniers temps, il devait tout revoir.
Inspirant grandement, il scruta la pièce inondée par la lumière dorée du jour.
Il se demanda une nouvelle fois où pouvait se trouver frère aîné Lukas. Il pensait très souvent à lui ses derniers temps, vu qu’il n’avait rien d’autre à faire qu’à réfléchir. Il savait par de vieux messages qu’il avait quitté sa dernière mission à l’étranger il y a plusieurs semaines et personne − ni sa sœur ni leurs parents − ne savait où il était. Ce qui l’inquiétait un peu. Il ne lui avait parlé depuis près de trois mois.
Lukas a toujours été le type bien de la famille et un excellent chirurgien. Qui sait quelle horreur il avait pu voir durant sa mission humanitaire de deux ans qui le poussait ainsi au silence.
Poussant un soupir, il se passa une main lasse dans ses cheveux encore humide. Il espérait qu’il serait effectivement là lors du mariage de leur sœur. Mis celui-ci avait lieu dans plusieurs mois et il espérait qu’il donnerait signe de vie bien avant.
Pour l’heure, lui aussi avait quelques soucis de son côté.
Peut-être irait-il enfin à New York visiter la grande pomme et rencontré cet homme dont lui avait parlé Lilah et qui serait le conseiller sur quoi investir. Il était vraiment temps qu’il pense à faire plus fructifier son argent. Et à sortir de sa léthargie et profiter vraiment de ses vacances.
Pour une fois, depuis longtemps, il n’avait pas la pression de la compétition. Ni de sponsors.
Il eut un rire, mais un bruit l'arrêta et la fit tourner la tête.
Il aperçut le vieux chien de son oncle entré par la glissière installé à la porte de la cuisine et se diriger vers sa gamelle encore pleine d'eau pour en boire.
Il l'observa avec un sourire. Il aimait bien les chiens.
Se levant, il alla chercher ses croquettes et le servir avant de se réinstaller avec une autre tasse de café et de terminer son petit-déjeuner.