Chapitre 2 : A.

1293 Words
Chapitre 2 : A. Un mot, juste un et je l’achève. Ce fumier me doit trois mille dollars. C’est énorme, surtout pour un pauvre type dans son genre qui ne fait que d’empirer son cas en se fournissant ailleurs, chez ce connard de Bastian. Il pensait m’éviter. C’est mal barré. — A, je te promets qu’au début du mois, je te les apporte. Il chiale, je choisis mon objet de torture sur l’établi. S’il pense me faire pitié, il se fout le doigt dans l’œil. — A… je t’en supplie… J’ai une petite fille ! — Hum… Ouais, c’est vrai que son père plein de dettes et drogué jusqu’à la moelle va la rendre heureuse. — Non, je suis un bon père ! A ! Je t’en supplie ! Je ricane, prends le tournevis et me retourne, le sourire aux lèvres. Jay est d’un côté de la chaise, Dam de l’autre. Le gars a les poignets liés aux accoudoirs. Sa bouche pisse le sang, suite aux coups de batte qu’il vient de se prendre. Cruel, moi ? Non. Je suis dur en affaire, point, barre. Des tas de gens se font tuer pour du fric, parce que l’état sait très bien qu’ils ne sont qu’un gouffre financier et qu’à part de la merde, il ne tirera rien de ces branleurs. Je suis au-dessus de tout ça, je fais tourner une partie de l’économie, je crée de l’emploi en filant aux sales rejetons de l’humanité un job qui servira au maire de Logen, ou bien à mes intérêts personnels. Généralement je leur donne quelques centaines de billets, et ça suffit pour leur faire faire ce que je demande : surveiller les rues, les trafics, guetter les allers-retours des flics, observer ces derniers parler et noter les noms de leurs taupes, prendre garde au gang adverse, et c’est tout. On les appelle des sbires, des guetteurs aussi. Leur rôle est plus important que ça en a l’air, même s’ils ne font que le merdier que je n’ai pas envie de gérer seul. Je m’approche lentement, tirant derrière moi une chaise. Ses pieds grincent sur le vieux béton ciré, et je m’assois. — J’ai quand même été cool, Rude. Trois mois que tu me fais lorgner ton pognon, trois mois que je suis patient. Pourtant, la patience n’est pas ce qu’il me ressemble. — Je suis désolé, A. Je te jure que… Il se tait, quand mon tournevis tourne autour du dos de sa main. Son regard ne quitte pas le mien. Son souffle contenu, il appréhende. — Tu jures que quoi ? Que le mois après ça sera encore pareil ? — Non, non ! — Tu le sais autant que moi que tu n’as pas ce pognon. La pointe voyage entre ses doigts, tapant des coups secs et précis contre l’accoudoir, s’enfonçant dans le bois. Il flippe, il est mort de trouille même. Mais je ne fais que commencer. — Ta femme, elle bosse ? — N… Non… Aahhh ! Il hurle quand le tournevis s’enfonce dans la chair de son doigt et je grimace, en l’enlevant. — Alors comment, hein ? Tu ne travailles pas, ta femme non plus, t’as une gamine et… — J’emprunterai ! — Ouais, ouais, ouais. À qui donc ? T’es un déchet, Rude. Personne ne te prêtera du pognon. Mon tournevis s’enfonce sous son ongle, le faisant hurler de douleur, le faisant se tortiller de mal sur sa chaise. — Tu sais quoi ? lui dis-je en plongeant mes yeux dans les siens trempés de larmes. Je vais être sympa… Et encore, juste parce que ta pauvre fille serait malheureuse si je venais à te tuer. Je vais seulement te torturer. Mais le quinze, si je ne te vois pas arrivé avec trois mille dollars, je te flingue. Direct et sans regret, crois-moi. Il hoche la tête, sans penser à un seul instant à la première partie de ma phrase. La pointe de fer s’enfonce encore et encore dans ses doigts, décollant ses ongles, le faisant hurler de douleur, et pisser du sang. Mais je ne me démonte pas, jamais d’ailleurs. Le sang ne m’impressionne pas, ni les cris et encore moins la souffrance. C’est seulement lorsque j’en ai marre et que mon jouet me lasse que je jette le tournevis sur le sol, et me dirige vers le seul escalier qui mène à l’étage. — Nettoyez tout ça et jetez cette merde chez lui, j’ai autre chose à faire ce soir. ∞ Après ma douche, je ramasse la photo du dossier sur lequel je vais plancher. Une jolie fille, très jolie même. Cheveux bruns mi-longs, yeux verts, fossettes, et un cul divin. Dommage que je doive la buter, je la baiserais bien. J’ouvre son dossier, y lis chacune des infos. Nom : Lorbes Prénom : Amyliana Date de naissance : 28 avril 1993 Adresse : 29 th Avenue Kols 876549 Logen Téléphone : 08976543192 Profession : prostituée au club chez Ernie/étudiante à la Fac de Kirmans Dette accumulée : 200 000 Endroits clés : Ernie – parc Logen – campus Kirmans – Arrêt de bus Kirmans – place Logen bas – bar Joyce’s – tour 233 quartier Logen sud. Date de fin de contrat : 26 juillet 2018 Nous sommes le vingt-six avril. J’ai quatre mois pile pour la tuer. Je regarde encore une fois sa photo, caresse de mes yeux sa peau et la range dans le dossier avant de le jeter dans la déchiqueteuse. Pas de preuve, jamais. Je veux bien ramasser pour la came et les armes, mais pour un meurtre, ma liberté serait terminée et jamais je ne reverrais la couleur d’un ciel. J’enfile mon sweat, remonte la capuche et sors, à la recherche de ma proie. ∞ La nuit est noire lorsque j’emprunte la route principale qui me mènera droit à elle. Il est vingt-trois heures trente, elle doit probablement bosser chez cet e****é de Ernie. Je hais ces proxénètes qui se servent de ces pauvres filles pour amasser une blinde de pognons. Histoire du passé, évidemment. Si ma mère n’avait pas été une p**e parmi tant d’autres, je n’aurais pas peut-être pas été du même avis. Je roule, dépassant les limitations de vitesse, et réfléchis à une manière stratégique pour l’approcher. J’ai un peu de mal à comprendre ses dettes. Deux cent mille dollars. C’est énorme. Sûrement une nana folle de fringues et de belles choses qui a eu les yeux plus gros le ventre. Pourquoi les gens ont pris le pli de dépenser du fric qu’ils n’ont pas ? Je ne les comprendrais jamais. Je ralentis lorsque j’arrive à l’avenue Kols, et m’arrête devant chez elle, au numéro 29. Je fronce les sourcils en voyant le vieil immeuble défraîchi, face à certains bars. Ouais, donc mon hypothèse ne tient pas la route. Je creuse, j’observe. Les néons rouges face à son immeuble éclairent parfaitement la rue, ce qui n’est pas bon pour moi. Je démarre, m’engage dans le peu de circulation et passe devant chez Ernie, en grimaçant. Un mec est posté devant l’entrée, des clients sortent du club en se réajustant le froc. Bande de porcs. Je me gare un peu plus loin dans la rue, parfaitement camouflé entre d’autres véhicules, idéalement mis pour avoir une vue sur les entrées et sorties. Je m’allume une clope, et recrache la fumée par la fine ouverture de la vitre. J’attends. Je réfléchis. Mes méninges turbinent. La prendre à part, la buter d’une balle en plein thorax ? Ou faire comme à mon habitude : instaurer un climat de peur ? Elle me tire de mes pensées lorsqu’elle sort du club, accompagnée d’une nana plus vieille qu’elle. Elles rient toutes les deux, elles embrassent le type qui monte la garde et je la dévore des yeux. De longues jambes revêtues de bas-résille qui feraient b****r un mort, une jupe en jeans légèrement usée et des cheveux lâches, rebelles. J’aspire sur ma clope, impatient de commencer la partie. Mes yeux n’arrivent pas à se détacher de leur proie. Je me demande ce qu’elle a prévu pour sa soirée. Boulot ? Puis quoi ? Sortie ? Pour avoir autant de dettes, cette fille doit bien faire quelque chose d’autre qu’étudier et de b****r. Elle embrasse son amie, revêtue de latex et fais un signe de la main vers le molosse, avant de s’enfoncer dans la rue. Je sors de ma voiture, jette le mégot au sol et l’écrase de ma semelle avant de la suivre, les mains dans les poches, sur l’autre trottoir. Elle presse le pas, resserrant l’anse de son sac, et je ricane d’avance. Elle sent qu’on la suit, elle flippe même. Elle se retourne, et je continue de m’avancer vers elle, alors qu’elle accélère encore.
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