Compte à rebours

Chapitre 4

Chapitre 4

— Serait-ce une invitation ? interrogea Morgane.

— Oui, cela en est une. Tu pourrais venir faire un reportage sur la fabrication de nos fromages.

— Il est vrai qu’ils sont excellents, avoua-t-elle.

— Tu serais mon invitée d’honneur.

— C'est intéressant !

— Bien-entendu, je te logerai chez moi. Ma maison est grande et contient plusieurs chambres. Ce serait un réel privilège pour moi de te recevoir.

— Tu es bon prince, cette idée mérite une honnête réflexion, lui lança-t-elle sur un air mutin.

Le jeune homme se tourna vers elle et lui dit, sur un ton plein d'assurance où l'on pouvait percevoir une note d'espoir :

— Je serais ravi que tu viennes chez moi.

Elle pivota doucement vers lui et plongea son regard dans le sien. Il se rapprocha un peu plus d'elle.

— Peut-être est-ce toi la femme que j'ai tant attendue ?

Elle ne lui répondit pas car elle ne savait fichtrement pas quoi dire en cet instant précis. Alors elle sourit car l'idée qu'il tombe sous son charme n'était pas pour lui déplaire. Il prit cela comme une invitation à l'embrasser et il déposa timidement ses lèvres sur les siennes. Elle répondit à son b****r, puis il s'écarta d'elle en se raclant la gorge.

— Excuse-moi, Morgane, j'ai peut-être été un peu rapide et je ne veux pas que euh...

Le pauvre homme cherchait à donner une suite à son explication lorsque Morgane mit une main sur son épaule en signe d'apaisement.

— Ce n'était rien d'autre qu'un b****r.

Il la scruta intensément, étonné par sa réaction. Ses prunelles pétillèrent et Morgane sut instantanément qu’elle avait gagné la partie.

— Tu me raccompagnes ? formula-t-elle.

— Oui. Tu viendras quand même demain ?

— Bien-sûr, mais d'abord je travaillerai sur mon article car je souhaiterai que tu me donnes ton consentement avant de le présenter à mon patron.

— Alors là, lui rétorqua-t-il avec son éternel humour ; il va falloir accepter une autre invitation à dîner !

— A condition que cela se passe chez moi ! De cette manière, tu ne pourras pas refuser de lire mon papier avant de passer à table.

— Je ne manquerais cela pour rien au monde.

Ils passèrent sous des arcades datant du Moyen-âge, et arrivèrent devant l'entrée de la bâtisse où Morgane habitait.

— C'est un quartier pittoresque. Je crois que j'aime cette ambiance qui semble dater d'un autre temps, murmura-t-il.

Elle se haussa sur la pointe des pieds et lui déposa un b****r sur sa joue avant de s’en aller, sans ajouter un mot.

Une fois arrivée dans son appartement, alors que sa pendule sonnait les douze coups de minuit, Morgane jeta un œil par sa fenêtre. Elle constata avec un soupir d'aise que le jeune homme était toujours là, et passa à la salle de bains en chantonnant.

A l'extérieur, Nicolas attendit que les lampes du troisième et dernier étage s'allument avant de s'en aller dans la nuit claire en direction de sa chambre d'hôtel.

Le lendemain fut une autre grande journée ensoleillée avec des températures extrêmement douces pour le printemps. Morgane travaillait derrière l'écran de son ordinateur tout en écoutant le brouhaha familier de la rue en contrebas par la fenêtre ouverte de son salon. Il y avait beaucoup de monde pour un samedi matin et la jeune femme avait bien du mal à se concentrer. Elle se leva de sa chaise et remplit sa tasse de café. Ses pensées revenaient sans cesse à son b****r de la veille et elle était impatiente d'aller retrouver Nicolas.

Sitôt son article terminé, elle l'imprima et vérifia sa tenue dans le miroir de l'entrée. Elle portait un pantalon en toile blanc ainsi qu'un fin chemisier blanc assorti et décida d'y ajouta un foulard de couleur rose vif lorsqu'un bruit sec attira son attention vers le salon. Le cadre qui contenait la photo de sa mère était tombé au sol et le verre avait éclaté en mille morceaux. Elle se dirigea d'abord vers sa fenêtre ouverte pour la fermer puis reprit l'image dans ses mains. Un sourde angoisse s'insinua dans son esprit et elle tenta de chasser la main invisible qui lui serrait la poitrine. Quelque chose de mauvais allait se produire avant la fin de la journée, elle en était sûre. Elle avait appris à faire attention aux signes…

Elle remit le cadre avec la photo sur la commode et chercha son balai. Elle se coupa la main en ramassant les plus gros morceaux de verre. Son mauvais pressentiment s’accentua et elle gagna la salle de bains où elle se désinfecta la plaie. Morgane ne croyait pas au hasard et elle comprit que cet incident était un avertissement. Elle devait impérativement écouter sa raison et non son cœur, car elle savait au plus profond d'elle-même qu'il lui faudrait se tenir sur ses gardes dans les heures à venir.

La jeune femme arriva au stand où se tenait Nicolas et fut surprise de constater qu'il n'y était pas seul. Lorsqu'il la vit, il s’empressa de la rejoindre.

— Viens, je vais te présenter à mes parents, annonça-t-il, avec une pointe de nervosité dans le timbre de sa voix.

Morgane eut soudain une boule au ventre car elle ne s'était pas attendue à cette visite impromptue. Elle tenta de cacher sa gêne et lui demanda :

— C'était prévu qu'ils viennent aujourd'hui ?

— Non. Ils ont voulu me faire la surprise.

Elle n'eut pas le temps d'ajouter le moindre mot que déjà, un couple d’un certain âge la dévisageait.

La vieille dame aux cheveux blancs et au visage ridé se ferma d'un coup en la voyant tendre la main en guise de bonjour. Elle ne la lui prit pas et la questionna un peu abruptement :

— Charbonnier, vous avez de la famille du côté de La Tuilerie ?

Morgane fut étonnée de sa réaction et lui rétorqua d'un ton neutre :

— Non, pourquoi cette question ?

La vieille femme la regarda intensément avant de lui répondre :

— Pour rien, je vous ai prise pour quelqu'un d'autre.

Décidément, cette famille avait un franc-parler tout à fait dérangeant, qui frisait l'arrogance ; mais Morgane ne se laissa pas démonter et lui fit un grand sourire narquois.

— Cela arrive souvent que l'on me confonde avec quelqu'un d'autre ; mais lorsque vous me connaîtrez davantage, vous vous rendrez vite compte que je suis unique, ou presque.