La musique venait tout juste de s'interrompre, marquant la fin de leur danse. Dans un geste plein de grâce et de respect, ils s'inclinèrent l'un envers l'autre, échangeant un regard complice qui reflétait le plaisir partagé de ce moment.
Pendant ce temps, les autres jeunes hommes, impatients, se remuaient sur place, persuadés que leur tour allait enfin arriver. Ils rêvaient déjà de l'occasion de danser et de converser avec la princesse. Cependant, cette dernière, consciente des intentions intéressées de ces prétendants qui la considéraient simplement comme un tremplin pour atteindre leurs propres ambitions, souhaitait échapper à cette situation désagréable.
C'est alors qu'elle trouva la solution parfaite pour éviter cette contrainte sociale. Avec détermination, elle glissa son bras dans celui de Phyréon, un jeune homme qu'elle appréciait et en qui elle avait confiance.
« Allons loin d'ici, murmura-t-elle à son intention, avant que tous ces hommes qui me voient comme un simple escalier pour parvenir à leurs objectifs ne se jettent sur moi. »
Ainsi, ils s'éloignèrent ensemble vers le balcon, laissant derrière eux l'agitation du bal, à la recherche d'un moment de tranquillité loin des regards envieux et des intentions mal placées.
« A vos ordres princesse . »
Malgré le regard perçant du roi, ce dernier resta silencieux, observant avec attention les deux jeunes gens qui se dirigeait vers un balcon.
« Dis-moi tout, s'il te plaît. Comment cela s'est-il passé ? Tu as dû voir tant de paysages magnifiques. Comme j'aimerais tant voyager et découvrir la mer », ajouta-t-elle avec un air rêveur.
Alors qu'elle s'exprimait, la lueur de la lune illuminait son visage, et ses yeux brillaient d'une intensité fascinante. La lumière argentée se posait délicatement sur sa peau, mettant en valeur les courbes de sa poitrine voluptueuse, accentuant encore plus sa beauté.
Phyreon, tiraillé par la situation, secoua la tête pour chasser ces pensées contre lesquelles il s'était toujours battu.
Comment pourrait-il lui parler de tous ces corps, de l'odeur âcre de la chair brûlée, des orphelins laissés à leur sort, de ces innocents qui ont perdu la vie dans des circonstances tragiques, ainsi que de ces familles dévastées qui luttent pour survivre dans des conditions si désespérées ? Comment lui expliquer que, loin d'ici, des gens se battent et se tuent pour le simple droit de se nourrir d'un morceau de pain dur, un geste simple qui devrait être un droit plutôt qu'une lutte quotidienne ?
Comment aborder ces sujets avec elle, qui a grandi dans une cage dorée, entourée de luxe et de confort ? Elle qui se régale des mets les plus raffinés, se reposant chaque nuit dans un lit si moelleux et doux qu'il l'emporte presque dans un rêve. Elle qui n'a jamais été confrontée à la réalité crue de la vie, qui n'a jamais ressenti l'odeur insupportable d'un cadavre en décomposition, ce rappel tragique de la fragilité de l'existence humaine. Que pourrait-elle comprendre de ces souffrances, de cette détresse si lointaine, alors qu'elle ne connaît que la douceur de son monde protégé ?
Il prit la décision de lui parler de la mer, cette vaste étendue d'eau salée qui, par sa taille incommensurable, parvient à faire ressentir à quiconque s'en approche une sentiment d' insignifiance, un peu comme ce que Néréa lui faisait éprouver à chaque fois qu'il se retrouvait à ses côtés. Pendant ces deux longues années passées loin d'elle, il a constamment pensé à elle, son image hantant ses pensées jour après jour.
S'il est encore en vie, c'est en grande partie grâce à elle. Il ressentait au fond de lui le besoin impératif de retrouver la lueur d'émerveillement dans ses yeux, celle qui s'allumait chaque fois qu'on lui révélait une nouvelle information. C'était cette étincelle, cette joie authentique, qu'il désirait revivre, aussi précieuse qu'un phare dans l'obscurité de son existence. Elle riait aux éclats, en ce moment, tandis qu'il lui racontait comment il était tombé de cheval, n'étant pas encore familiarisé avec l'équitation lorsqu'il avait rejoint les soldats sur le champ de bataille.
Il venait de lui replacer une mèche de cheveux derrière l’oreille. Doucement, il caressa son visage du pouce. Elle ferma les yeux pour savourer ce geste, et il la trouva encore plus belle.
« J'aurais bientôt 16 ans. Je vais bientôt participer à mon bal de débutante et me marier. »
Il plissa le front, intrigué par la raison pour laquelle elle abordait ce sujet avec lui. Il ne s'attendait pas à entendre parler de cela dans leur conversation.
« J'ai déjà eu mes règles, et mon père est au courant, c’est la seule chose qui aurait pu retarder mon mariage, » expliqua-t-elle avec un air sérieux.
Avec une certaine hésitation, elle se mit sur la pointe des pieds et l'embrassa doucement.
Il resta figé, sous le choc de cette étreinte inattendue. Puis, il commença à savourer la douceur de ses lèvres, découvrant avec surprise le goût sucré qui l’accompagnait. Bien qu'elle fût encore inexpérimentée, il se laissa emporter par l'instant et prit le contrôle de la situation en la serrant contre lui, créant ainsi une connexion plus profonde entre eux.
Il avait eu des relations avec de nombreuses prostituées pendant la guerre. Les soldats, ne sachant pas quand leur dernier instant arriverait, offraient des prostituées aux plus jeunes afin qu'ils ne partent pas sans avoir découvert les plaisirs de la vie.
À bout de nerfs, les deux se séparèrent.
« Je sais que tu me considères probablement comme ta petite sœur, quelqu'un de ta famille, mais moi, je souhaite que tu m'épouses. »
Phyreon était en proie à une série de chocs émotionnels.Il la trouvait ravissante, avec des lèvres légèrement gonflées et un cœur palpitant, sa respiration saccadée. Il percevait en elle une féminité bien plus marquée qu'elle ne l'imaginait elle-même.
« Je ne souhaite pas entrer dans un mariage arrangé avec un homme que je ne connais pas, qui ne me considérera même pas et qui pourrait me rendre malheureuse, voire pire, me maltraiter. »
Rien que l'idée de l'imaginer dans les bras d'un autre faisait monter une colère sourde dans les veines de Phyreon.
« Si, après le mariage, tu souhaites être avec celle que tu aimes, je ne te le refuse pas. Je veux simplement que tu m'apportes ton soutien.»
«Et quant à toi, tu pourras rencontrer un autre homme et l'embrasser, tout comme tu viens de le faire avec moi. »
Lui demanda-t-il en l'attirant contre lui.
Elle balbutia :
«Je... je... »
Il l'interrompit en l'embrassant, la rendant muette. Tandis que leurs yeux se croisaient, il ajouta :
«C''est toi qui a décidé que nous allions nous marier, alors je serai ton seul époux. Tu ne seras qu'à moi, ma princesse. »
Il venait de lui lécher l'oreille.
«Très bien, Phyré, comme tu le souhaites, mais marions-nous simplement. Ainsi, je pourrai me rendre dans ton duché et découvrir tous les lieux que tu m'as décrits.»
Alors qu'elle s'exprimait, un large sourire illuminait son visage.
«Je sais que tu ne pourrais jamais me faire de mal. Alors, je t'en prie, épouse-moi avant que mon père ne donne ma main à quelqu'un d'autre. »
Les yeux fermés et les fronts collés l'un à l'autre, ils profitaient pleinement de cet instant privilégié.
Un «hum hum» retentit alors, et ils se détachèrent immédiatement.
«Princesse, votre père vous appelle.»
C'était le garde et bras droit du roi, celui qui avait décelé le potentiel de Phyreon et l'avait formé. Leur relation était à la fois celle d'un maître et de son élève, mais aussi d'un père et de son fils, car durant son apprentissage, Phyreon avait vécu chez le capitaine.
Après avoir offert un dernier sourire à Phyreon, Néréa tourna les talons et s'éloigna.
« Si vous tenez à garder votre tête sur vos épaules, je vous conseille vivement d’éviter ce genre de comportement inapproprié à l’égard de la princesse, et surtout de garder vos distances. Vous n’êtes plus des enfants, et il n’est pas convenable qu’une jeune femme se retrouve seule avec un homme qui n’appartient pas à sa famille. Cela va à l’encontre des convenances sociales. »
« Mais s'il s’agit de son fiancé cela ne va pas à l'encontre des convenances sociales», rétorqua-t-il,