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Le vagabond de la Baie de Somme

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C’est un retraité du coin qui a découvert son cadavre : l’Eugène était un vagabond. Il a eu le crâne explosé par un tir de fusil de chasse. Dans la Baie de Somme, on a plus l’habitude des accidents de chasse que des meurtres. Paul Beauvillain, un jeune gendarme idéaliste pas vraiment convaincu par son choix de carrière, va tout faire pour découvrir la vérité. Et la vérité s’avère bien dérangeante : quand ses recherches l’orientent vers une assemblée de notables, son chef lui demande de suivre une autre piste ; piste qui le mène vers un bijoutier que tout accuse. L’enquête est bâclée, le dossier classé, mais Paul est convaincu que le bijoutier est innocent et qu’il faut chercher ailleurs les coupables, y compris dans les plus hautes sphères du pouvoir.

EXTRAIT

Ils virent d’abord le passage très net dans l’herbe. Quelque chose de lourd avait été tiré, il n’y avait qu’à suivre la trace. La terre sentait l’humus, le champignon, la pourriture. Les oiseaux continuaient de gueuler. Paul sentait chez eux une excitation inhabituelle, comme s’ils avaient été continuellement dérangés. Les hommes sentaient bien qu’ils approchaient du but. Ils avaient beau être habitués à la viande froide, des éclopés de la route aux petits vieux oubliés dans leur crasse claquant tout seuls dans leur lit, ils ne pouvaient empêcher le sentiment de malaise de les envahir par le nez, puis la bouche.

Tous trois respiraient fort, sans faire de commentaire sur ce qu’ils avaient senti en même temps. Une autre odeur, plus forte que l’humus, les prenait aux narines.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en 1953 à Boulogne-sur-Mer, Léo Lapointe est le nom de plume d’un expert international en affaires sociales.

Après un doctorat consacré aux questions de politique sociale et de problématique de l’emploi, il partage sa vie entre la côte picarde où il est né, la Belgique où il réside et l’étranger où il a travaillé, notamment le Mexique, l’Algérie, le Chili et le Liban.

Fortement engagé, c’est dans des associations à caractère social qu’il fait ses premières armes en tant qu’écrivain public. Défense des chômeurs, des immigrés, des réfugiés, des sans-logis… Léo Lapointe est sur tous les fronts.

Ses premiers écrits sont autobiographiques et auto-justificatifs, une façon de se défendre contre les choses désagréables qui arrivent en temps de crise. C’est par la suite que l’auteur se tourne vers la fiction, et plus particulièrement le polar qui lui permet de garder une trame politique où flotte un léger parfum de corruption.

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Chapitre 1
1 L’estafette bleue avait quitté la petite route goudronnée, pour s’engager dans un chemin boueux, descendant abruptement vers les grasses prairies, souvent noyées, bordant la Somme. Avant, il y a bien longtemps, la marée remontait jusque là. Et même bien plus haut ; les grands voiliers naviguaient jusqu’à l’ancien port d’Abbeville, aujourd’hui retiré à plus de vingt kilomètres dans les terres. De la mer il ne reste rien, sauf les basses terres inondées tous les hivers, peuplées de joncs et d’iris sauvages. Paul aimait cette région qu’il avait découverte en prenant son poste dans ce département. En dehors du service, il venait parfois se promener seul pour voir circuler d’hirsutes petits chevaux sauvages entre les roseaux sombres. Mais cette fois, pas question de flâner ou de photographier. Le collègue qui conduisait en pestant dans la gadoue venait d’accélérer, soulevant des gerbes d’eau brunâtre. Paul, trop grand, se cognait la tête à chaque cahot. Lorsqu’ils avaient reçu l’appel à la Gendarmerie, ils avaient tout de suite compris qu’il ne s’agissait pas d’une mauvaise plaisanterie. Un petit vieux essoufflé avait expliqué où se trouvait le corps : « Oh bon dieu de bon dieu, un macchabée, un macchabée dans ch’bois, j’vous jure, au bord du chemin, après Pinchefalise. » Le fourgon s’arrêta, avant d’atteindre le bosquet d’arbres. Préserver les éventuelles traces de pneus. Le major n’était pas particulièrement habitué à mener des enquêtes criminelles, mais il gambergeait… C’était peut-être la chance de sa carrière. Les trois hommes descendirent pour avancer précautionneusement dans l’herbe, scrutant chaque touffe avant d’y poser leurs godillots enrobés d’une glaise lourde et collante dès les premiers pas. Le major était trapu et rougeaud, il précédait ses hommes d’un pas appliqué, le nez par terre. La marée avait chassé les nuages et le soleil rougissait derrière les plus hautes branches des hêtres. Paul qui traînait derrière, regardait le ciel. et ne fut donc pas surpris en entendant le vacarme soudain. Le chef sursauta. « Bon dieu ! C’est quoi ce bordel ? » Des claquements dans les branches, des cris rauques avaient déchiré le silence du soir, se propageant tout le long du talus. De là où ils étaient, au pied des premiers arbres, les gendarmes ne pouvaient voir ce qui se passait plus haut. La futaie était dense, même si le printemps tardif n’arrivait pas à forcer les bourgeons. L’alerte se relayait parmi les animaux, comme une ménagerie réveillée en pleine nuit. Mais cette fois c’était d’en bas, vers le port, que le concert reprenait de plus belle. Toutes les b****s de corbeaux qui logeaient leurs nids immenses à la cime des peupliers, s’éparpillaient croassant en cercles noirs. Juste au-dessus d’eux un oiseau s’envola avec un cri sinistre, déployant son envergure spectaculaire sur le ciel limpide du soir. Instinctivement, le major avait rentré la tête dans les épaules, comme l’aurait fait n’importe quel rongeur survolé par un rapace. À moitié vexé de cette trouille instinctive, il se retourna vers Paul et lança : « Et, toi, l’écologiss’, tu dois savoir ce que c’est que ces bétails là ? Y a pas de vautours, par ici, ou bien un de tes illuminés de copains en a ramené une paire ? » Paul resta silencieux. Il avait suffi qu’il déclare ne pas être chasseur pour être immédiatement surnommé l’écologiss’ par ses collègues et par le chef en particulier, lui qui avait fait des pieds et des mains pour avoir cette affectation dans la Somme. Picard d’origine, mais originaire des terres, des plateaux à betteraves de l’Oise, il aimait la chasse et soignait ses chiens. Il préférait battre la plaine plutôt que de planquer à la hutte comme ceux d’ici dans l’attente du gibier d’eau. Il était bavard et amateur de pastis, Paul l’écoutait, comme il écoutait tout le monde d’ailleurs. Personne ne savait si cette vie d’hommes en chambrées, qui sentaient toujours un peu la chaussette sale, lui convenait vraiment. Il riait aux plaisanteries grasses pendant les virées de nuit dans l’estafette, mais ses collègues se demandaient souvent si ce n’était pas par politesse. Finalement, il faisait son boulot, était plutôt serviable ; tout le monde lui foutait la paix, à part les quelques plaisanteries sur sa mentalité d’écologiss’. Tant que t’es pas communiss’ ou tapette, avait dit le chef… Paul ne disait donc rien, regardant en l’air comme les autres, attendant qu’un guetteur passe de l’autre côté des branches. Un des grands oiseaux gris entreprit de tournoyer au-dessus d’eux. Sans un mot, Paul le montra simplement du doigt. « Alors ce sont ces saloperies de hérons qui font ce bordel ? Mais combien y en a ici ? » Paul connaissait ce chemin creux habituellement désert, trop défoncé en toutes saisons pour attirer les touristes. Des gens du pays le lui avaient indiqué comme un secret, à ne pas dévoiler pour ne pas provoquer une affluence de curieux. « Regardez les nids ! Ce sont les héronnières, pratiquement tous les hérons de la baie se reproduisent ici. Plusieurs centaines. Les mâles protègent les nids, et l’éclosion a commencé, regardez par terre ». Au milieu des ronces, des dizaines de débris d’œufs, d’un bleu verdâtre, jonchaient le sol. Les hommes n’avançaient plus, regardant alternativement leurs pieds puis le haut des arbres. Ils discernaient maintenant entre les branches le plumage des oiseaux juchés sur leurs nids. Ils reprirent leur progression mais n’eurent pas besoin d’aller très loin. Ils virent d’abord le passage très net dans l’herbe. Quelque chose de lourd avait été tiré, il n’y avait qu’à suivre la trace. La terre sentait l’humus, le champignon, la pourriture. Les oiseaux continuaient de gueuler. Paul sentait chez eux une excitation inhabituelle, comme s’ils avaient été continuellement dérangés. Les hommes sentaient bien qu’ils approchaient du but. Ils avaient beau être habitués à la viande froide, des éclopés de la route aux petits vieux oubliés dans leur crasse claquant tout seuls dans leur lit, ils ne pouvaient empêcher le sentiment de malaise de les envahir par le nez, puis la bouche. Tous trois respiraient fort, sans faire de commentaire sur ce qu’ils avaient senti en même temps. Une autre odeur, plus forte que l’humus, les prenait aux narines. Du sang. Du sang frais. Une curée de sang, comme pour ces grands gibiers que les braconniers vident parfois sur place, sortant les tripes pour mettre l’animal en boule, la tête dans la cavité abdominale, afin de le charrier jusqu’à leur voiture. Cette fois, le gibier portait des loques informes de pantalons en velours et une canadienne fauve, dont le col était haché, disparu avec la tête explosée au milieu des ronces. Le haut de la boîte crânienne avait sauté comme un bouchon, avec une touffe de cheveux restée intacte. La terre noire avait bu le sang, et ne restaient à la surface que les débris pâles de cervelle, et puis un petit fragment ovoïde et blanchâtre, plus petit et plus blanc qu’un œuf de héron. Sans trop savoir pourquoi, le major s’était penché sur l’objet trop lisse, incongru dans le hachis général. Les hommes derrière n’osaient avancer et suivaient son mouvement, il les bouscula en se relevant brutalement, livide. Une forte odeur de pastis les prit à la gorge, le chef venait d’avoir un haut-le-corps et déglutissait difficilement, la bouche inondée d’un renvoi de bœuf bourguignon noyé dans le pastis de ses apéritifs. Paul leva le nez pour respirer très fort et regarder le ciel. Le collègue qui les accompagnait essaya de plaisanter : « Z’êtes sûr qu’il est mort, chef ? En tout cas, je suis pas candidat au bouche à bouche. – Fais gaffe, il t’a à l’œil ! Bon, reculez, on va faire le Procès-Verbal. » Le mort devait avoir au moins une soixantaine d’années, à la couleur de la touffe de cheveux. Il avait dû être amené jusque là par un homme seul, le passage dans les ronces était étroit. Les feuilles recouvrant le sol empêchaient les empreintes précises, mais les talons du cadavre avaient laissé un sillage. L’assassin avait tiré au fusil de chasse sur le vieux à terre, un coup derrière la tête. Peut-être pas des chevro-tines, mais du petit plomb, qui à bout portant avait fait exploser la boîte crânienne, sans réduire pourtant la figure en bouillie. Non seulement un œil avait survécu, mais en y regardant mieux, le cadavre avait réussi à garder quelques molaires en place, et pouvait bouffer les pissenlits tout en souriant de quelques dents aux spectateurs placés dans son dos, ce qui est quand même une forme d’exploit. « Paul, va à la voiture, dis au juge de rappliquer et ramène l’appareil photo, qu’on lui tire le portrait avant qu’il fasse nuit. Ce serait dommage de ne pas garder le souvenir d’un beau sourire comme ça. Fais gaffe où tu marches ! ». Ils terminèrent les constatations au milieu de la nuit, relevant des traces de pneus bien distinctes. Dans le halo de projecteurs, des gens s’appliquaient à tirer une empreinte des roues avant qu’il ne se mette à flotter. La nuit était humide et couverte, un froid saisissant était monté avec la mer et les brumes sur la vallée. Après les photos, ils avaient voulu retourner le mort pour voir à quoi ressemblait la tronche. Malheureusement ce qui en restait demeura obstinément planté en terre. Seul un bout de mâchoire inférieure avait suivi à moitié le mouvement, et pendait sur l’épaule. Le chef était à son affaire et se donnait de l’importance en plaisantant devant le juge : « p****n, il devait dégager du goulot, z’avez vu l’état de ses ratiches ? Il aurait dû essayer la brosse à dents, avant de passer tout de suite aux chevrotines… Bon, je parie que ch’t’homme il a pas ses papiers sur lui, pour l’identification ça va encore être coton. – Vous êtes chasseur, vous aussi Duval, non ? Alors, accident de chasse ? – Négatif ! D’abord la chasse, elle est fermée. – Braconnier ? » Le Chef regarda autour de lui d’un air dubitatif. « Je crois pas. On serait pas loin de la forêt de Crécy, je dis pas, mais là, on est de l’autre côté par rapport à la Somme, et puis en cette saison, le « gros » reste à couvert en forêt. » Il fouillait le cadavre, aussi indifférent que s’il avait tripatouillé un tas de chiffons. « Un tire-jus dégueulasse, un paquet de gitanes… Tiens, un couteau de chasse… Prenez ça, les gars » La police scientifique ramassait les objets dans des sacs en plastique, le juge demanda à voir le couteau : « Regardez là, il y des traces, il a servi il n’y a pas longtemps ». – Peut-être, mais c’est du gras, pas du sang… Bon, faudra analyser, hein ? À part ça, moi j’ai fini. Évidemment, pas de papiers d’identité. Dites, vous avez vu les godasses ? Bon Dieu, elles ont bouffé de la route celles-là ! Demain matin, enquête de voisinage, les mairies, enfin la routine quoi. De toutes façons, ce zigue-là vient pas de la ville, on va trouver sa piaule dans un rayon de cinq kilomètres. – Qui a trouvé le corps ? – Un vieux de Boismont qui promenait son chien. Demain matin, on commence par lui, pas vrai Beauvillain ? répondit le major en désignant Paul.

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