Chapitre 3

1054 Words
Chapitre 3 Robin venait à peine de quitter la table, l’expression déformée par la frustration, que Sabrina tenta de s’éclipser. Elle n’en eut pas le temps. Un geste brusque, incontrôlé, et il l’agrippa, la repoussant contre le mur avec une hâte mauvaise. La secousse fut rude, témoin de sa fureur et de sa faim mêlées. Ses yeux assombris glissèrent sur le visage de Sabrina, dont les iris mordorés accentuaient la pâleur de sa chevelure claire. Sa respiration était courte, presque vibrante d’exaspération. — Depuis quand oses-tu me répondre comme ça ? Depuis quand te permets-tu ce ton ? Sabrina eut un frémissement de recul, mais elle tint bon. Sa voix, calme et glacée, fendit l’espace entre eux. — Pendant des années, j’ai espéré que tu me regardes autrement. J’ai avalé tes tromperies, tes scandales, ces images de toi avec d’autres… J’ai tout encaissé. Pour rien. Je suis arrivée au bout du chemin, Robin. Je ne suis plus celle qui se tait pour te plaire. Elle essaya de libérer son bras, sans y parvenir. La prise de Robin était inflexible, comme s’il voulait lui rappeler son emprise. Elle abandonna l’effort et planta ses yeux dans les siens. Il répliqua d’un ton sec : — Jusqu’à preuve du contraire, tu portes encore mon nom. La sonnerie de la porte retentit dans le hall, coupant court à leur face-à-face. Sabrina profita de sa surprise pour se dégager et traverser la pièce. Elle revint quelques instants plus tard avec une chemise cartonnée qu’elle posa devant lui. Zayla observait la scène avec une excitation difficile à masquer. Robin décrocha un sourcil, interdit. — Comment… comment as-tu mis la main dessus si vite ? Les documents n’étaient pas anodins. Habituellement, ils demandaient des semaines. L’idée qu’elle ait un soutien extérieur l’effleura et l’irrita. — La manière dont je les ai obtenus ne te regarde pas. Ils sont légaux. Signe, dit-elle, impassible. Une inquiétude sourde traversa Robin, mais il conserva son masque d’assurance. — Je les lirai attentivement. On ne m’arrache rien sur un coup de tête. Sabrina n’insista pas. Elle fixa tour à tour Robin et Zayla. — J’attends ta signature demain. Et je veux que vous ayez quitté la villa d’ici là. Robin resta un instant sans voix. Cette femme, celle qu’il croyait docile, venait de s’adresser à lui comme à un étranger. Un dédain brûlant traversa son regard. — Surveille ton langage, souffla-t-il, meurtri dans son orgueil. Sabrina se força à respirer. Elle ne pouvait pas tout compromettre par un éclat. — Mes excuses, Monsieur Robin Jewel. Passez une bonne soirée. Elle tourna les talons avant que ses émotions ne la trahissent. Le repas resta intact sur la table. Le silence pesa lourd. Zayla triturait son collier pour se donner une contenance, Robin fixait les documents, partagé entre rage et incompréhension. Il avait l’impression que Sabrina avait changé de peau sous ses yeux. — Je vais faire venir quelque chose à manger, dit-il enfin. Zayla hocha la tête, mais ses pensées étaient ailleurs. Elle ne digérait pas que Sabrina ait obtenu la villa, ni l’assurance tranquille qu’elle avait affichée en quittant la pièce. Son esprit bouillonnait de rancœur. — Les domestiques ne savent pas cuisiner ? tenta-t-elle pour alléger la tension. Robin secoua la tête. — Sabrina leur a interdit de s’occuper des repas. Elle aimait trop le faire elle-même. Il faudra embaucher un chef… mais il travaillera depuis le penthouse. La grimace de Zayla fut immédiate. — Je ne veux pas aller là-bas. Je veux rester ici. — Cette maison ne m’appartient plus, répliqua Robin. Et ne me fais pas croire que tu m’aimes moins pour ça. Les mots frappèrent Zayla de plein fouet. Elle balbutia une justification maladroite, puis se tut. Le dîner commandé arriva, fade à ses yeux à lui. Il en mâcha machinalement quelques bouchées sans plaisir. Une fois rassasié, il demanda à Margaret d’accompagner Zayla dans la chambre d’amis. La jeune femme blêmit. — Je déteste dormir seule… La patience de Robin atteignait sa limite. — Quand j’étais en Europe, tu dormais seule toutes les nuits ? Zayla rougit, tenta de justifier sa peur par la grossesse, puis se referma sur son humiliation. Cette nuit-là, Robin accepta simplement de s’éloigner. Le divorce n’était pas encore acté, mais Zayla tenait à croire que ce serait bientôt terminé. Dans le couloir menant à sa chambre, Robin entendit des sanglots étouffés derrière la porte de Sabrina. Cela lui donna une étrange satisfaction. Une part de lui se rassura : elle souffrait encore à cause de lui. Il entra sans prévenir. Sabrina essuya ses larmes en hâte, le visage dur comme la pierre. Quand il glissa sa main contre sa taille, elle jaillit comme une flamme. — Ne me touchez pas ! Il éclata d’un rire bref. — Tant que le divorce n’est pas finalisé, tu restes mon épouse. Elle sentit la colère monter, mais aussi la peur de compliquer les choses. Alors elle choisit une autre stratégie : lui rendre son propre jeu. Elle se tourna vers lui, l’embrassa avec une provocation lente, presque calculée. La nuit fut longue. Robin se montra brutal, avide, mais d’une ardeur inhabituelle. Quand elle sombra enfin, haletante et vidée, elle réalisa qu’il l’enlaçait encore, comme s’il refusait de la laisser partir. Un détail qui lui parut presque irréel. Le matin, les papiers signés l’attendaient. Tout était prêt. Il ne restait plus que leur passage au tribunal. Après la rupture prononcée, Sabrina se sentit brusquement vidée, comme si toute la façade qu’elle avait tenue s’effritait. Elle se pressa pour ne pas arriver en retard. Robin l’attendait déjà, sombre. La procédure fut expédiée. Puis, contre toute attente, il souffla : — Je retourne au bureau. Je peux vous conduire à la villa, si vous voulez. Je n’ai pas compris pourquoi vous n’avez pas accepté le chauffeur. — Je vous remercie, Monsieur Jewel, mais je rentrerai seule. La distance de sa voix l’ébranla davantage que tout le reste. Avant qu’il ne trouve une réponse, elle s’éloigna. Robin la suivit malgré tout, décidé à s’assurer qu’elle rentre. Et c’est alors qu’un homme, grand, élancé, élégamment vêtu, surgit près d’elle. Il la saisit par la taille avec une familiarité sans équivoque et enfouit son visage contre son cou comme s’il retrouvait quelque chose qui lui appartenait. Les dents de Robin se serrèrent jusqu’à la douleur.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD