- TROIS -

405 Words
- TROIS -L’INGÉNIEUR s’impatiente. Il lâche sa cigarette sur le bitume et l’écrase consciencieusement. En frottant la cendre, il s’amuse à faire un cercle parfait. Son collègue est en retard, comme d’habitude. Quand on lui a proposé de se charger du dossier du stade, il a tout d’abord sursauté : l’ampleur des vérifications est énorme. Pendant sa dernière année à l’Ecole d’Ingénieurs, il avait fait partie des quelques élus autorisés à prendre part aux travaux délicats et originaux concernant les fondations du gigantesque ovoïde. Ce dernier avait été projeté sur un terrain de très mauvaise qualité, marécageux pour partie, sans oublier l’existence d’une nappe phréatique encore aujourd’hui située à un mètre sous la pelouse ! Pour le construire, il avait fallu créer des techniques dans différents domaines. Tout d’abord pour l’implantation des fondations et pour l’édification des poteaux de grande hauteur sur lesquels reposaient les structures et le toit du stade, il fallait une formule de béton toute particulière. Des coffrages spéciaux avaient été réalisés afin que les murs « voiles » que l’on développait ainsi, qui contreventaient les piliers extérieurs, puissent supporter de grandes pressions sur toute la hauteur. Tout serait bétonné d’un seul coup. Des capteurs placés sur les tiges de renforcement à la base des coffrages permettaient de contrôler les efforts et les déformations, s’assurant ainsi de la bonne marche de l’opération en toute sécurité. Pour un étudiant, le projet était fascinant. On avait créé des crémaillères, réalisées avec du béton injecté dans des coffrages fermés et étanches. Cela offrait une grande homogénéité du béton armé et une haute densité de l’armature. Les murs-voiles étaient en fait des poutres mises en œuvre à l’aide de branches métalliques spéciales, appuyées et stabilisées au sol. Quand son collègue arrive enfin, l’impatient ne dit rien. Respect dû à l’ancienneté, l’autre étant de ceux qui surveillèrent toute l’élaboration des fondations. Impossible aujourd’hui de le sermonner pour un quart d’heure de retard. Les neuf cent quatorze pieux de fondation ont déjà été contrôlés la semaine dernière. Fichés dans la couche de gravier, ils sont enrobés d’un tube métallique, posé par vibrofronçage. En bétonnant ce tube de cinquante centimètres de diamètre avant de retirer le moule, on avait créé un radier annulaire qui délimitait l’emprise des gradins en prenant appui sur ces fondations. Aujourd’hui, les deux ingénieurs s’attaquent au contrôle des superstructures. Heureusement qu’une bonne part du travail est déjà accomplie, car l’Euro approche. Il est temps de rendre un rapport de sécurité et de totale conformité du stade aux normes internationales, permettant à trente mille personnes environ de venir s’y asseoir sans appréhension. Grâce aux appareils, on « écoute » la structure, on sonde sa densité et sa solidité.
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