Obsession

Chapitre 5

5.Se réveillant au milieu de la nuit, Jean trouva Simon à son chevet. Le jeune homme avait l’habitude de veiller plusieurs nuits d’affilée, récitant des incantations sataniques. Le Mage l’appela, et lui demanda ce qu’il s’était passé exactement. Simon le lui expliqua, et lui demanda pourquoi son mentor, son modèle, avait perdu pied à ce point.

— Tu ne peux pas encore comprendre. Tu es trop jeune. Sache juste que, lors de mon initiation, j’avais déjà entendu parler de ce fameux Livre. Comment ? Pourquoi ? Je n’en sais rien, mais je connaissais son existence.

Pendant plusieurs années, on l’a rattaché aux romans de Lovecraft, sans trop savoir si ce qu’il racontait venait de ses fréquentations, notamment celle de ce charlatan de Crowley1, ou s’il avait eu accès d’une manière ou d’une autre au Livre.

Pour ma part, ce que j’en sais, c’est que ce « Livre » est la somme de toutes les choses maléfiques depuis la Création. Qui l’a écrit, et quand ? Je m’en fous royalement ! Ce qui m’intéresse, c’est le pouvoir qu’il renferme, un point c’est tout.

— Quel genre de pouvoir ?

— Ça, je ne le saurai que lorsque je l’aurai en ma possession.

Là-dessus, il se leva, et se dirigea vers la salle de bain, afin de prendre une douche bien méritée.

Au petit matin, remis de son épisode hystérique, Jean était présent dès l’ouverture de la boulangerie. Il admirait déjà les viennoiseries de toute beauté. Certaines étaient décorées de telle manière qu’on aurait juré voir de la dentelle, mais de couleurs chamarrées, et certaines en chocolat, sans parler de l’odeur. Ah ! l’odeur ! Les croissants au beurre chaud, le chocolat fondu, mais aussi du sucre, de la cannelle, des fruits… Tout un mélange de délicatesses qui met en joie dès le saut du lit ! Contraste saisissant avec sa colère noire de la veille, et qui ne semblait pas émouvoir le vieil homme outre mesure.

Jean acheta une demi-douzaine de ces merveilles, demandant distraitement à la charmante vendeuse à quel orfèvre il devait d’avoir les yeux et l’estomac flattés d’aussi bon matin. Charmée d’une telle rencontre, par un homme somme toute attrayant malgré un physique peu avenant, elle rougit timidement.

Elle lui répondit qu’ils avaient accueilli, hier, un stagiaire très persuasif, qui leur avait sorti un tas de bonnes choses. Jean demanda le nom du prodige, ce à quoi la vendeuse répondit à nouveau volontiers, sous le charme, indiquant même l’adresse du jeune homme.

Et bien qu’il fut très surpris de la nouvelle, le vieil homme resta de marbre. Il la salua avant de partir, non sans lui indiquer combien il était heureux d’avoir, fait une rencontre qui allait enchanter sa journée. Foutaises ! Ce n’est qu’en ressortant qu’il cessa de se contenir, reprenant un caractère plus habituel. Il lança le sachet de viennoiseries à ses compères, se traitant de pauvre débile. Ses deux subordonnés le regardèrent, interloqués, non sans avoir déjà pris chacun de quoi petit-déjeuner au fond du sac. Jean tendit nonchalamment le bras en direction de l’hôtel, s’offusquant presque de ce qu’il allait dire…

La rue qu’ils cherchaient depuis deux jours était la ruelle juste en face de la porte de l’hôtel !

Bordel !

Et dire que cela faisait deux jours qu’ils étaient à quelques mètres de leur cible, sans le savoir. Et pourtant, cette ruelle, ils l’avaient arpentée en tous sens, maintes et maintes fois, ne fût-ce que pour passer du parking à l’entrée de l’hôtel… C’était aberrant !

Retournant vers la place, Simon demanda ce qu’il y avait lieu de faire à présent.

1 Crowley est surtout connu pour ses écrits sur l'occultisme, particulièrement The Book of the Law, le livre sacré de Thelema. Crowley était également membre influent de plusieurs autres organisations occultes : l'Astrum Argentum et l'Ordo Templi Orientis. Concernant cette dernière organisation, il participa même à la réécriture complète de ses rituels en fonction de la Loi de Thelema