LE MONDE ENTIER CONTRE MOI À NE RÊVER QUE DE TOI

EMMA SIMONE Peu de choses ont changé depuis le jour où j’ai quitté Paris, mais je dois au moins m’avouer que j’ai réussi à sortir de la vie morose que je menais depuis un peu plus de cinq ans. Je débute l’année sur une note plutôt positive. Je ne suis pas au stade où je suis tellement sûre de moi que tout ce que je touche se transforme en or, mais j’en suis à un point où je ne me sens plus vraiment à l’écart du monde qui m’entoure. J’ai fait face à des phases vraiment difficiles, durant lesquelles je ne faisais que penser à Julius et à quel point c’était difficile de me défaire de lui, mais heureusement pour moi, Josie était là pour me remettre sur le droit chemin. Ce n’est pas facile de voir l’homme qui était prêt à m’épouser, sortir avec toutes les femmes qu’il croise et qu’il laisse prendre des aises sur les réseaux sociaux comme s’il voulait me faire du mal personnellement. Je ne sais pas s’il est réduit à ça pour me faire passer un message ou s'il est vraiment dans sa meilleure vie et qu’il l’exprime simplement. D’après Romero, ce n’est pas vraiment la joie pour Jules. Son cancer commence à lui faire du tort plus que physiquement et du coup, Jules profite simplement de tout ce qu’il peut pour éviter de mourir en s’étant retenu de tout faire sous ce prétexte. C’était déjà l’excuse qu’il me donnait quand je parlais du fait qu’il ne faisait aucun effort avec moi, donc je pense que je peux que me confirmer que j’ai eu raison de m’éloigner de lui, même si forcément, ça fait mal, je ne peux le nier. J’ai songé à le bloquer sur **, mais je trouve ça ridicule d’en venir là et ça lui ferait sûrement trop plaisir de voir que j’en suis réduite à ça, pour ne plus voir ses débilités. Je pense qu’il me connaît, d’une certaine manière, et que même s’il a conscience que j’ai oublié qui j’étais, j’ai gardé des réflexes du passé et que donc, il les utilise contre moi, pour me faire payer ce que je lui ai fait en décidant de m’éloigner. C’est un concept. Chacun gère les choses à sa façon. Je pensais qu’il était loin de se réduire à ce genre de trucs, mais à croire que finalement, je ne le connaissais tellement pas que je tombe de haut, maintenant que j’assiste à cette mascarade. Plus j’y pense, plus je comprends Romero quand il me disait de me méfier de son frère, qu’il avait tendance à être gentil que quand il trouvait intérêt à le faire, mais que quatre-vingt-dix pour cent de son temps, il n'était qu’un gros e.nculé. Qu’il avait l’art du camouflage et le reste, et que moi, j’étais facilement manipulable vis-à-vis de ma naïveté légendaire. Cela étant, je ne fais que des suppositions. Je n’ai jamais repris contact avec Julius pour essayer de comprendre la situation et lui, il n’a jamais essayé d’ouvrir le dialogue. Il est sur une autre planète, complètement déphasé et comme je disais déjà dans le passé, il est tellement dans un monde qu’il ne se rend même plus compte de la réalité de sa vie, puisqu’il est en pilote automatique en pensant qu’il contrôle ce qu’il fait. Soit. J’ai des nouvelles de sa maman qui, parfois, me téléphone pour prendre des miennes. Elle trouve ça triste de voir son fils réduit à b.aiser toutes les femmes du monde, mais elle trouve encore plus triste que j’assiste à tout ça comme si je n’avais jamais compté pour lui, alors qu’elle-même reste persuadée que j’étais la femme de sa vie, qu’il pète juste un plomb. J’ignore ce qu’il lui a raconté, mais je n’ai jamais dit à Denise que la décision venait de moi. Je pense que Romero a dû l’informer et même s’il n’empêche qu’elle blâme son fils, elle se montre très attentive à tout ce que je peux dire, comme si après notre appel, elle s’en allait tout raconter à Jules. Je l’imagine bien lui dire d’aller se faire voir, qu’il n’a pas le temps d’entendre parler de moi et qu’il doit s’occuper de lui. C’est comme ça qu’il se protège de la réalité, finalement. Rome m’avait déjà dit qu’il le surprenait parfois à reluquer mon ** pour voir si je suis active ou non. Donc, voilà où nous en sommes avec Julius. Aujourd’hui, je n’ai pas l’impression qu’il me manque d’amour. Je pense que je vois trop de choses dérangeantes pour ressentir quoi que ce soit de très sain envers lui et ses agissements, mais il y a des jours un peu plus difficiles que d’autres. Ça fait quand même plusieurs semaines que je vois sa midinette s’afficher tout fièrement avec lui sur **. Je pense qu’ils sont en couple, je crois d’ailleurs pouvoir le confirmer avec son poste du jour de l’an de sa vie, sur lequel elle a écrit qu’il était l’amour de sa vie. Bon, oui, je stalke un peu, du coup. C’est Josie qui m’a filé ce vilain réflexe… Elle est professionnelle dans l’art de toutes ces choses et pour être totalement franche, si je n’ai qu’**, c’était pour justement éviter d’en arriver à stalker tout le monde partout. Je voulais juste partager mes projets et parfois quelques photos qui m’inspirent. Maintenant, c’est devenu un outil d’investigation. Je stalke même Marc-Antoine, pour être honnête. Cela fait quelques semaines que lui et moi s'amusons à aimer les postes de l’un et l’autre, mais ce n’est pas pour autant que l’on en vient à ouvrir une discussion tous les deux. De ça, en revanche, je n’ose pas en parler à Josie, même si elle a remarqué que j’aimais les publications d’Antoine et inversement. – Emma ! Je sursaute. Bordel. – P.utain… lance Josie. Tu étais loin, là, non ? Très. Je pose ma main sur mon cœur, regardant madame qui rit doucement face à la situation. Elle me montre une couleur de cheveux qu’elle songe se faire, mais sur laquelle elle veut un avis, puisqu’on ne sait jamais qu’elle prenne trop de risque. Il s’agit d’une couleur feu. Un roux vraiment très joli qu’elle me raconte avoir déjà fait dans une nuance un peu plus claire et moins risquée. Elle précise que Roméo avait adoré, mais qu’elle n’avait pas gardé ça longtemps puisqu’elle se lasse vite de l’allure de sa chevelure. J’écarquille les yeux, au milieu du salon de luxe dans lequel nous nous trouvons. – Ça, tu aimes ? Elle demande pour un blond cendré. C’est à peu près pareil ! – Pareil ? Je m’étonne. C’est… un peu ce que tu as déjà, non ? Elle se regarde dans le miroir en ébouriffant ses cheveux comme pour doser la nuance de son blond. Elle est vraiment jolie. Je l’envie, sérieusement. – C’est mon anniversaire, elle dit. J’ai quarante ans, il faut que je sois au top si je ne veux pas que Rome me largue, elle plaisante. Je ris avec elle. Elle dit ça en sachant très bien que Roméo ne la larguera jamais. Il est fou d’elle, c’est un truc de malade, quand j’y pense. Elle me disait souvent que voir Achille et Gabriel ensemble, c’était full de seum, mais elle ne sait pas ce que c’est de la voir avec son mari… C’est pire que full de seum. – Je ne sais pas, souffle Josie. J’ai envie de tenter, mais en même temps… mouais, c’est pas mal ce que j’ai là ! Je devrais peut-être juste rafraîchir tout ça… ? – Fais comme tu le sens, je souffle. – Il m’appelle déjà la fausse blonde pour m’emmerder alors que je le suis à la base, donc si je reviens avec du roux, je pense qu’il va s’en donner à cœur joie, elle dit au sujet de son mari. Je ne sais pas, je suis tentée quand même ! – Fais-le alors, je dis. Au pire des cas, tu peux toujours retirer… – C’est vrai ! Elle lance. Je dirais que c’est ta faute ! Je ris avec elle. Son coiffeur qui est devenu le mien par intermittence à force de baver sur mes cheveux qu’il a tendance à vouloir trucider pour son bonheur, nous approche pour nous inciter à s’installer. Je m’asseye sur le siège à côté de Josie et je me concentre sur mon iPhone pendant que Derek, le coiffeur de Madame, s’active à nous divertir un peu. Il s’amuse à ébouriffer les cheveux de Josie, tout en s’informant sur ce qu’elle veut qu’il lui fasse, puis il m’approche. – Roux pour toi aussi ? Il demande. – Jamais de la vie, je dis. Je veux juste couper les pointes et refaire la frange, je souligne. – OK girls ! Il lance. Vous voulez du café ? On en a ! – Je veux bien du chocolat chaud, lui répond Josie. – Pareil, je dis ensuite. Il demande alors à son assistante de subvenir à notre besoin. Comme Josie va demander plus de temps de pose, il s’attaque d’abord à elle en appliquant une décoloration sur son crâne. Après, il s’en va voir ses autres clientes puis, il revient vers Josie. Il lui demande de passer au bac afin de rincer la décoloration et de revenir s’asseoir pour qu’il puisse sécher ses cheveux et s’en prendre à la couleur. Une fois posée sur le crâne de Madame, Monsieur vient vers moi afin de faire ce que je lui ai demandé, n’arrêtant de me dire qu’il serait ravi de me couper tout ça pour un french bob. Il faut savoir que Derek est fan de mes longs cheveux, il adore les coiffer pour diverses occasions, mais il a aussi une folle envie de tout couper pour son unique plaisir de coiffeur. C’est un truc que je n’ai jamais compris, mais apparemment, c’est une passion chez lui de s’en prendre à d’aussi longs cheveux que les miens. – Ce n’est pas pratique pour la levrette, les french bob, intervient Josie. Je ris de honte. – Je ne veux rien savoir ! Lance Derek. – Je dis ça, je ne dis rien, souffle la miss. Mais bon, quand ton mec te tire la tignasse pour mieux te la mettre, franchement, c’est un truc ! Je vais me suicider. – C’est pour ça que tu refuses de couper ? Me demande l’anglais. – Non, je dis. Je n’ai pas de vie sexuelle, là, en fait. – Bientôt avec Marco, lance Josie. Hein que ça va arriver ? Elle demande en tapant dans mon bras. Je te vois venir à dix mille kilomètres ! Je ne lui réponds pas. Je passe ma langue sur mes dents, souriant nerveusement à ce qu’elle raconte. Je suis rouge de honte, nerveuse de je ne sais quoi et en même temps, amusée par la conversation. Je ne pensais pas ça possible de ressentir autant d’émotions en une seule minute, mais bon, je suis Emma Simone et apparemment, avec moi, tout est possible. – Il aime bien les longs cheveux, me précise Josie. Ne coupe pas trop court, si jamais ! – Arrête, je dis gênée. Je ne le connais même pas. – Frange rideau, hein ? Me demande Derek au milieu de tout ça. – Oui, s’il te plait, je confirme. J’entends Joe rire doucement à côté. Elle s’amuse juste de mon état de gêne quand quelqu’un se met à parler sexe avec moi. D’ailleurs, quand nous sommes accompagnées de Gabriel, ils s’en donnent à cœur joie tous les deux. Ils aiment bien m’embêter avec leurs expériences pour me gêner en me précisant que je le suis seulement parce que je n’ai pas testé tout ça, mais que quand ça sera le cas, je serais la première à faire ce genre d’allusion… Je veux bien leur laisser le bénéfice du doute, mais je crois surtout que je suis naturellement très pudique. Je ne sais pas, je… je suis célibataire et je n’ai pas de vie sexuelle, donc finalement, qu’est-ce que j’en sais. Ma frange faite, Derek repasse derrière moi pour appliquer du spray dans mes cheveux afin de commencer à coiffer cette tignasse pour ce soir. Il les ondule à la perfection, puis il fait gonfler ma frange à l’aide de son sèche-cheveux et de sa brosse magique. Il ébouriffe un peu tout ça, puis il me montre le rendu de derrière, je souris du résultat et le voilà qu’il reprend Josie à la volée. Il part lui rincer les cheveux quand c’est l’heure, puis coupe comme elle le lui demande et s’occupe à la coiffer également. Elle fête ses quarante ans ce soir en petit comité ou du moins, avec ses amis proches dont j’ai l’air de faire partie désormais.