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2905 Words
Le temps était toujours suspendu et l'air s'était comme électrifié. La fumée de la cigarette se dissipait laissant maintenant apparaitre un échange de regard qui en secouerait plus d'un. La seconde d'après, Omar recula en lâchant la jeune femme comme s'il venait d'être brûlé par les flammes de l'enfer. Celle-ci, comme si elle venait de se réveiller et de réellement prendre conscience de la situation s'apprêtait à prendre la fuite quand sans crier gare, Omar la rattrapa et, la retournant brutalement, arracha le masque qui lui couvrait le visage. - Putainnnn!!! Elle lâcha la coupe de champagne qui s'écrasa avec fracas sur le sol, attirant toute l'attention sur eux. Profitant de ce moment de surprise, Kadia se dégagea et disparut en courant laissant Omar encore sonné au milieu de cette piste de danse, tenant entre ses mains ce masque rouge. Il n'arrivait plus à bouger, pétrifié, choqué d'abord par son propre comportement, se demandant ce qu'il foutait là??? Le deuxième choc est de découvrir que celle qui l'avait littéralement hypnotisé n'était nulle autre que celle qu'il a par tous les moyens essayé d'écarter de sa vie et qui comme une ironie du sort se retrouvait encore et toujours sur son chemin. Ce qui par contre le faisait presque suffoquer et l'empêchait de respirer normalement était cette coupe brisée en mille morceaux à ses pieds que le serveur s'empressait de nettoyer. Il se remémora alors, comment quelques minutes plus tôt, cette coupe avait quitté ce plateau pour atterrir sur les lèvres de la jeune femme avec un naturel déconcertant. Voulez- vous qu'il vous parle de l'odeur de cette fumée de cigarette qui lui collait désormais à la peau mélangée au parfum de la jeune femme? - mec, tout va bien? Une main sur son épaule le ramena sur terre et il ne regarda son ami sans vraiment le voir. - t'as l'air complètement sonné. - je dois y aller furent ses seuls mots - quoi? Maintenant? Tu déconnes? Et je rentre comment moi? - Franck te ramènera! - Omar!!! T'es pas sérieux, mec.....criait Justin alors que son ami était presque arrivé à la porte. Le voiturier lui ramena son véhicule assez rapidement et il s' y engouffra sans attendre, conduisant la tête sens dessus dessous. Son esprit n'arrivait pas à se concentrer tellement les questions se bousculaient dans sa tête. Il arriva personne ne sait comment chez lui et ne fit rien d'autre que déposer ses clés sur la console, enlever ce masque qu'il avait complètement oublié et trouvait maintenant ridicule avant de se poster debout devant cette baie vitrée surplombant la ville. Que m'arrive- t- il ? pensa-t- il Pourquoi a- t- il fallu que je vienne ici? Cette femme est le démon en personne. On aurait dit qu'elle était dans le corps d'une autre personne, qu'elle était possédée, à moins que.... était- ce là sa vraie personnalité? Fermant les yeux, l'objet que je tenais entre les mains arriva à mes narines et les effluves qui s'en dégageaient me chatouillèrent, augmentant mon rythme cardiaque, ce qui me fit ouvrir les yeux et me ramena brutalement sur terre. Baissant les yeux avec dégoût, sa couleur rouge me rappela celle du sang. Sang que cette famille avait entre ses mains. Le sang de plusieurs personnes innocentes dont celui de ma Arame! La colère me fit trembler et j'envoyais valser ce truc contre le mur! Je me dégoutais et m'insupportais à un point inimaginable! Cela ne me concerne plus! D'ailleurs cela n'a jamais été le cas! Et encore moins après ce que j'ai vu ce soir! ****** Pendant ce temps à Dakar ****** Le regard vide, elle s'accrochait à son chapelet et priait. Elle faisait toujours la même prière, encore et encore. Que Dieu lui ramène sa fille saine et sauve. Sarah ne se remettait pas de la disparition soudaine de Kadia et n'était plus que l'ombre d'elle- même, au grand dam de son entourage. Nancy avait beau la rassurer et lui soutenir qu'elle était sûre que sa nièce allait bien, elle savait que c'était juste une manière de s'en convaincre elle- même. Amina et Aisha venaient aussi la voir régulièrement. Elles étaient autant dévastées qu'elle de l'absence de leur amie et cousine, de même que Racine, d'ailleurs qui lui, en voulait énormément Kadia. Personne ne comprenait et bien sûr la nouvelle qui avait provoqué ce conflit et le départ de cette dernière commença à circuler, même si c'était dans ce cercle restreint. Seulement Sarah se sentait honteuse et avait l'impression que tout le monde la regardait de ce nouvel œil. Elle était celle qui avait trompé son mari et avait eu un enfant avec un autre homme alors qu'elle était mariée. Tidiane.... Elle soupira. Il avait beau lui témoigner toute la tendresse du monde, elle en arrivait même à le rejeter tellement elle était à bout. Le pauvre supportait tous ses états d'âme, elle en était consciente mais n'y pouvait rien. Un coup frappé à la porte lui fit lever la tête. C'était l'employée qui la prévenait qu'elle avait de la visite. Elle vit sans grande surprise, en se rendant dans le séjour, qu'il s'agissait de l'objet de ses pensées. - bonjour - bonjour Il s'avança vers elle et lui caressa la joue. - tu as un peu dormi depuis ce matin? - pas vraiment. - je t'ai apporté les pâtisseries dont tu raffoles. Un sourire simple orna son beau visage qui semblait las. - merci mais fallait pas. Il la regarda longuement avant de lui sourire - tu priais? J'espère que tu as aussi demandé au bon Dieu d'exaucer mes vœux? - et de quels vœux s'agit- il exactement? - tu les connais déjà Sarah - j'aimerai .... qu'il puisse les exaucer ... tous car là.... je perds réellement confiance Elle leva des yeux larmoyants vers lui et se mit à pleurer, ce qui arrivait régulièrement ces derniers temps. Tidiane en eut le cœur brisé comme toujours quand il la voyait dans cet état. - chérie, calme toi, stp Il la serra dans ses bras alors qu'elle se laissait aller, n'ayant plus la force ni le courage nécessaire pour faire face à cette douleur qui ne la quittait plus. - je n'en peux plus. Je te jure que j'essaye mais où est ce qu'elle peut bien être? Enfin qu'est ce qui la pousse à être loin de nous, de moi, aussi longtemps? Tidiane, quand j'y pense, je me dis que tout ceci n'est pas normal. Peut être qu'elle est allée se promener et qu'elle a été kidnappée ou pire encore. - non Sarah, tu sais bien qu'elle est partie. Elle a pris ses affaires, rappelle toi - oui mais ....et si elle ne pensait qu'à partir un jour ou deux et que finalement elle est tombée sur un psychopathe? Les personnes qu'on a engagé ont beau chercher et ne trouvent rien. C'est pas normal! - même si la piste de la voiture n'a toujours rien donné, on n'abandonne pas. Ça viendra, j'en suis sûr. - tu ne trouves pas ça bizarre, toi? Que sa voiture ait été vue roulant en ville et qu'elle ait même eu une amende mais plus de nouvelle depuis! Cela veut dire qu'elle est toujours là quelque part, non? - bien sûr qu'elle est quelque part et elle va bien. - tu n'en sais rien! Il soupira et l'éloigna un peu d'elle pour la scruter. - Sarah, tu dois croire en Dieu et être optimiste. Ne pense pas à ce genre de choses. Tu ne sors jamais de cet appartement, tu te nourris à peine, je t'en prie, reprends toi. - je ne fais que ça, essayer de croire! Mais ça fait 3 mois Tidiane! 3 mois! - je sais.... je sais.... Tidiane ne supportait pas de la voir ainsi et ce qu'il supportait encore moins c'est quand venait le moment de la quitter. Cela devenait de plus en plus dur chaque jour. Il essaya de l'apaiser autant qu'il le pouvait mais vint bien trop vite l'heure de partir et il ne put s'empêcher malgré toute la volonté du monde de remettre le sujet sur le tapis. - Sarah, si tu acceptais ma proposition, je ne serais pas obligé de te laisser seule. - on ne va parler de ça maintenant. - on ne peut jamais en parler tu veux dire? - sérieusement? Tu crois que j'ai la tête à me marier? Vu les circonstances? - qu'est ce que tu crois? Je vis avec toi chaque instant de " ces circonstances " dont tu parles! Sarah mane dama beugue nga Lew ma! Dama beugue daganal sougnou digueunté. Dieul leu dougueul la sama keur! ( Sarah je veux que tu me sois légitime! Je veux que notre relation soit reconnue devant Dieu et les hommes! Je pourrai ainsi t'amener vivre dans ma demeure!) - da nga faté ni sa keur la nek? ( tu oublies que je suis chez toi?) - chaque jour nga fatélimako... Elle baissa les yeux, regrettant sa manière de lui parler - comprends moi - je ne cesse de le faire. Je vais te laisser te reposer. A demain - Tidiane, attends.... Sarah le retint par le bras - ... mon désir le plus cher est de m'unir à toi mais .... pas maintenant,..... pas ainsi Avec un hochement de tête et un sourire accompagnant ses yeux plissés, Tidiane déposa un b****r chaste sur son front. - bonne nuit. La porte se referma doucement derrière lui à cette heure tardive, laissant disparaitre un homme merveilleux, qui pour l'heure, devait s'armer de patience. *************** Kadia *************** - notre petite a l'air préoccupé dis donc. - fous moi la paix Linda! - hey je ne t'ai rien fait moi! On connait toutes celui qui te met dans cet état alors calmos. Elle était toujours égale à elle-même, désinvolte et glaciale. - dis nous qui est cet homme qui te perturbe tant ma belle lança Gisèle - il n'en vaut pas la peine Gigi. Laisse tomber. - je te signale que tu as déserté la soirée à cause de LUI et on a cru qu'il t'était arrivé quelque chose. - tu vois? Je vais bien. - tiens bois ça. Je jetais un œil sur le verre qu'elle me tendait avant de détourner les yeux. - non merci. - je le pose juste ici dit- elle en le posant sur la table basse. Mon petit doigt me dit que tu en auras besoin. Je fixais le verre et les glaçons qui bougeaient à l'intérieur me ramenèrent à la première fois. La toute première fois où j'ai goûté au Whisky. Ce jour là où je ne me doutais pas que ma vie était en train de basculer. *********** flashback************* - tu veux connaitre notre histoire? On va te la raconter! Ce furent les mots de Linda cette nuit là, où j'allais connaitre réellement leur identité et ce qu'avait été leur vie. - mais avant ça, on va trinquer à notre nouvelle voisine. Kadia! Gisèle posa une bouteille et un plateau avec 3 verres sur la table, me faisant écarquiller les yeux. - désolée, je ne bois pas. Elle levèrent leurs sourcils bien tracés vers moi. - alors rentre chez toi jeune fille. Ta place n'est pas ici! - et où est donc ma place? Si tu le sais dis le moi car moi- même je ne le sais pas! - hum... on dirait que tu es une âme perdue. On a finalement plus de choses en commun qu'on ne le croyait. Et si toi tu commençais par nous raconter ton histoire? - il n'y a pas grand chose à dire. - je suis sûre du contraire. Tu restes terrée dans cet appartement depuis que tu es ici. Personne ne vient te voir et tu as l'air toujours sur le qui- vive. Ce qui me laisse penser que tu fuis quelque chose ou.... quelqu'un. Ma langue commença alors à se délier et je leur racontais ce que fut ma vie dans les moindres détails. Plus j'en parlais à haute voix et plus la colère, la déception, le sentiment de trahison, d'abandon et la rancœur montaient d'un cran. Je crois que quand Linda me glissa le verre entre les mains, je n'étais déjà plus consciente. La première gorgée me brula la gorge et les poumons. - mais qu'est ce que c'est que ce truc! - bois ça te fera du bien! Quelle histoire! Ton père était vraiment fou! - il n'est pas mon père!!! Je continuais à leur raconter encore et encore et planais maintenant dans un autre monde. - maintenant que vous savez tout! À votre tour. - c'était le marché. Il fut un temps commença Gisèle où nous ne étions que des jeunes enfants innocentes, pleines de vie mais tout ça changea quand mon pays fut décimé par la guerre. Notre peuple fut d'abord exilé et massacré. Nos parents ont été tués sous nos yeux. Nous? Nous avons servi d'exutoire, violées et battues à mort, nous avons été sauvées par un homme alors que nous nous apprêtions à subir le même sort que nos familles. Cet homme a juste eu le temps de nous mettre dans une voiture quittant cette zone de guerre avant d'être abattu par d'autres qui le qualifièrent de traitre à la cause Hutu. Nos les tutsis ne valions rien. Des chiens à abattre, voilà ce que nous étions. Les deux femmes racontèrent comment à leur tour les passeurs les ont v***é à souhait durant le trajet les menant au Zaïre ( actuel république démocratique du Congo). La route fut cahoteuse jusqu'à l'arrivée à leur destination où elles furent livrées à elle- même dans les rues de Kinshasa. La mendicité fut leur salut. Seulement ça ne suffisait pas toujours alors elles commencèrent à vendre leurs corps sous les propositions indécentes d'hommes pervers. C'était ça ou mourir comme un chien la gueule ouverte dans la rue. Elles choisirent alors de vivre. Vivre pour la mémoire de leurs parents. Vivre pour être digne de cette chance. Vivre après avoir survécu au g******e. Leur vie les avait mené au Nigeria après la transformation du Congo puis enfin il y a quelques années en côte d'ivoire. À croire qu'elles ne pouvaient plus rester en place. Elles ont su se reconstruire dans la p**********n malgré elles et n'arrivent plus à sortir de cette vie car n'ont connu rien d'autre. Kadia rentra chez elle en titubant et en ayant pleuré comme jamais, laissant sortir toute cette tristesse et ces sentiments refoulés chaque jour un peu plus. Elle se promit de les aider à trouver une autre voie sans savoir qu'elle même venait d'en emprunter une toute nouvelle. ******* fin du flashback ********* - alors tu vas enfin nous dire qui est cet homme? - c'est LUI. - LUI? Lui qui? - l'homme dont je suis tombée amoureuse. Celui qui me prend pour responsable de la mort de sa femme. L'homme qui m'est INTERDIT. ************** Omar **************** - tu comptes me dire ce qui se passe et qui est cette femme? - il ne se passe rien et elle n'est personne! - ce n'est pourtant pas ce qu'il m'a semblé voir. - alors t'as de la m***e dans les yeux Justin! - mais plus sérieusement, hier, tu n'étais plus toi même mec. Tu m'as même planté je te signale! - désolé, mais je devais partir. Cette femme n'est rien de plus qu'un nid à problème! - en tout cas, elle a l'air de te poser un sacré problème! Justin disait ça en sortant de la salle de sport où Omar s'est défoulé sur tous les appareils comme un forcené, laissant son ami perplexe. Douchés et changés directement à la salle, ils se dirigeaient vers l'appartement de celui-ci qui insista tellement pour savoir qu'Omar craqua. - ce n'est ni plus ni moins une menteuse qui s'est sauvée comme une voleuse et qui est devenue une femme frivole et libertine! - waouh tout ça! - oui tout ça! Et je m'en lave les mains dès maintenant et aujourd'hui même je vais prévenir sa famille et leur dire où elle se cache et ce qu'elle y fait! - en gros, tu vas la balancer! - appelle ça comme tu veux. - tu ne peux pas faire ça mec. Si tu connais cette fille et sa famille et vu comment tu parles, cela veut dire que ça devait être quelqu'un de bien. - peut être mais tout ceci ne me regarde pas. - si tu le dis. Ils se commandèrent une pizza et discutaient du projet qui amenait Omar à Abidjan à savoir mettre en place le cabinet de Justin et lui trouver des clients. Ce dernier était passé par des moments très durs quand sa femme l'a quitté en le spoliant de la moitié de ses biens et en lui faisant une sale réputation. Rien que des mensonges mais il avait eu du mal à se relever et Omar était là pour l'aider à aller de l'avant. Ils parlaient de tout ceci quand Justin reçut un appel. Omar ne fit pas attention à lui mais son ami ne le quittait pas des yeux en parlant, ce qui l'intrigua. Une fois qu'il eut raccroché, il le regarda, interrogateur. - c'était Gisèle. - Qui est- ce? - la coloc de Linda.. - et? - parait que ton amie est en train de se faire la malle! - ce n'est pas mon amie, m***e! Attends quoi? - elle est en train de se barrer!
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