Assis au volant de la voiture dont il venait de couper le moteur, Omar n'en revenait pas des derniers évènements de la soirée.
Comment était-ce possible?
Elle avait disparu depuis 3 bons mois.
Tel un claquement de doigt, elle s'était comme volatilisée et personne n'avait su retrouver sa trace.
Omar a assisté, malgré lui, à ce drame familial qui s'est joué sous ses yeux.
Il avait déjà reçu un choc lors de cette soirée quand il a su qu'ELLE n'était en réalité pas la fille de ce criminel.
Et 2 jours plus tard, alors qu' il se tuait au sport pour éviter toutes ces réflexions qui l'envahissaient, il eut droit à une autre nouvelle.
Salif avait déserté Ndao SRS toute la journée et était injoignable mais quand il le rappela le soir même pour l'informer qu'ils n'avaient quasiment pas fermé l'oeil durant 48h et qu'ELLE était partie, il ne sut plus quoi penser.
Partie?
Il avait beau vouloir s'empêcher de se poser ces questions, elles l'envahirent tout de même.
Où?
Pourquoi?
Et surtout..... y était- il aussi pour quelque chose?
Cette dernière question, il la balaya de son esprit avec une conviction soudaine.
Pourquoi laisser cela le tarauder alors qu'il n'a fait que dire ce qu' il pensait?
Le départ de cette fille était peut être l'une des meilleures décisions de sa vie après tout!
Voilà ce qu'il se disait au début, seulement sa vision fut toute autre quand il assista par hasard à la détresse de tante Sarah qui était en pleine crise de nerfs.
Que dire quand la police appela pour dire qu'ils avaient une piste, insufflant de l'espoir aux membres de SA famille mais en même temps, augmentant leur panique.
Le pire, fut quand il dut accompagner Aisha à un Rdv et qu'il découvrit avec effroi que le Rdv en question était à la morgue de Dakar pour identifier un corps ressemblant beaucoup AU SIEN.
Se pouvait- elle qu'elle soit....morte?
Aisha était au bord de l'évanouissement alors que lui, avait retenu son souffle et ne bougeait plus aucun muscle tandis que ce drap blanc découvrait lentement un visage ..... inconnu.
Les pleurs d'Aisha résonnaient encore dans sa tête alors que lui- même était comme replongé plusieurs mois en arrière revivant quasiment cette même scène à la mort de sa femme.
Salif s'excusa de lui avoir fait revivre cet instant mais ne pouvait pas savoir que sa femme lui avait caché se rendre à la morgue.
Il n'aurait jamais accepté qu'elle y aille et elle le savait.
À partir de cet instant, Omar commença à se dire que si cette fille était quelque part dans ce monde, en bonne santé, laissant sa famille vivre dans un tel état de désespoir, alors elle était la personne la plus égoïste qui soit!
Comment pouvait- on infliger volontairement un chatiment pareil?
D'accord, sa mère ne lui a pas dit la vérité et elle a sûrement eu son lot de souffrance mais qui n'en a pas eu BORDEL!!!
Une égoïste!
Voilà tout ce qu'elle était!
C'est toujours dans cet état d'esprit qu'était Omar Seck quand il se retrouva dans ce club, cette pièce tamisée avec la femme qu'il n'aurait jamais pensé voir dans cet endroit.
**************** Omar *******************
Depuis hier je cogite.
Voilà tout ce dont je suis capable.
Mon esprit ne me laisse pas tranquille et je dois avouer que je ne sais pas quoi faire.
La situation me dépasse.
J'ai saisi des centaines de fois mon téléphone pour appeler mon meilleur ami avant de le reposer.
L'appeler pour lui dire quoi?
" j'ai retrouvé Kadia"
" mais tu ferais mieux de le garder pour toi"
Les questions vont inévitablement fuser et que lui dirai- je alors?
Qu'elle était devenue une autre personne?
Une femme qui se vendait pour vivre?
Une prostituée?
Je ne pouvais pas faire ça.
Mais quoi alors?
Il fallait que je lui parle!
Pour comprendre.
Pourquoi ce choix de vie?
Ou n'a-t-elle pas eu le choix?
Non, non, désolé.... elle avait le choix!
Je saisissais mon téléphone et composais le numéro qu'elle m'avait donné.
" bienvenue chez Orange, le numéro que vous avez composé est non attribué....
Un rire m'échappa malgré moi et la rage commença à monter.
Elle se fout vraiment de moi!
Je lance alors un autre appel.
- hummm.... pourquoi reveiller les gens comme ça ohhh
- j'ai besoin de ton aide.
Une demi heure plus tard, me voilà devant mon pote qui était à peine levé et avait mis son portable sur haut parleur.
- Justin Konté ..... que me vaut l'honneur de cet appel matinal? Répondit une voix froide à l'autre bout du fil
- range tes griffes Linda. J'ai besoin d'un renseignement
- et ça ne pouvait pas attendre?
- non. Ton amie? La nouvelle? Je dois la voir.
Elle rigola à l'autre bout du fil
- décidément cette petite a de plus en plus de succès....
Cette phrase eut le don de m'énerver plus que je ne l'étais et Justin me jeta un regard en biais
- tu comprends vite. Comment je fais pour la voir?
- c'est pour toi ou ton ami?
- Linda.....
- Okkkk...... passe chez moi ce soir.
- chez toi?
- hum... hum... elle est plus proche que tu ne le crois.
Justin semblait réfléchir à ce qu'elle venait de dire et....
- merci Linda, je te rappelle!
Et sans aucune forme de procès, il raccrocha le téléphone.
Je le regardais interrogateur
- alors? Tu vas y aller?
- pas la peine! Je sais où elle habite. J'ai toujours eu la sensation de l'avoir déjà vue et c'est le cas. Voici son adresse. Elle vit au 3ème à droite.
Mon regard fixa le bout de papier sur lequel il était en train de griffonner avec assurance, imaginant quelque chose que je ne voulais croire.
Quand il leva les yeux et rencontra les miens, il comprit
- Mec, c'est pas ce que tu crois! Je me suis trompé d'appartement le jour où je me suis rendu chez les filles. Elles habitent sur le même pallier.
- toi? Avec ces filles? T'en es vraiment là maintenant?
- hey, ne crois pas qu'il n' y a que dans ta vie qu'il s'est passé des choses!
Je lui arrachai le bout de papier et me dirigeai vers la sortie.
- et ne me remercie surtout pas!!!!
Il reçut la porte qui claquait en guise de réponse.
*************** Kadia ******************
Son regard froid me transperça comme de la glace mais pour l'heure ma préoccupation était comment il avait fait pour me trouver.
- qu'est ce que tu fais là?
- tu croyais faire quoi en me donnant un faux numéro?
- te faire comprendre qu'on n'avait rien à se dire!
- c'est là que tu te trompes! On a pas mal de choses à se dire toi et moi.
Il força le passage et entra dans l'appartement comme s'il était le maitre des lieux en jetant des regards un peu partout.
Je me mis à rire, oui, oui je ne pus me retenir.
- des choses à se dire? Tu veux que je te rappele tes propres mots?
" pour moi, tu n'existes pas"
" tu n'es personne"
Ce sont bien tes mots?
Il me fixa longuement et je soutins son regard sans ciller, tellement la colère commençait à monter d'un cran.
- je sais très bien ce que j'ai dit et ce n'est pas l'objet de ma venue.
- peu importe pourquoi t'es là, ça ne m'interesse pas. Va t'en!
- je n'irai nulle part.
On se défia du regard durant de longues minutes avant que je ne referme la porte et le laissais planté là en allant m'enfermer à double tour dans la chambre.
Le dos adossé sur la porte, je tentais de reprendre une respiration normale car trop d'air était resté coincé dans mes poumons.
Il était là.
Il était vraiment là.
Juste derrière cette porte.
Quand je l'ai vu hier, mon coeur a failli s'arrêter de battre.
Je me suis jetée sur mon lit essayant d'oublier tous ces sentiments qui remontaient à la surface.
Seulement, il n'a pas l'air résolu à laisser tomber et sa présence, si proche me faisait perdre le contrôle même si j'essayais de faire paraitre le contraire.
Que veut- il?
Il me déteste toujours autant, ça se voit alors pourquoi insiste- t- il?
Mes jambes me portèrent jusque dans la salle de bain où mon reflet dans le miroir me fit peur.
Mes cheveux étaient en pétard et d'affreux cernes venaient orner mes yeux.
Mon kimono était de travers et je me sentis soudain trop ... dénudée.
Fermant les yeux pour ne plus voir cette image, j'enlevais tout ça et me glissais sous la douche.
Il sera sûrement déjà parti quand j'aurai fini alors je pris tout mon temps oubliant presque tout ce qui m'entourait et profitant de la chaleur de l'eau qui ruisselait sur mon corps.
Je me refusais à réfléchir.
C'était mon exercice favori ces derniers mois.
Refuser à mon esprit toute pensée sur cette vie que je menais alors je ne LE laisserai pas tout gâcher.
Je sortis de la douche et me sechais rapidement avant d'enfiler une combinaison.
Mon tissage brossé et attaché en queue de cheval, je dévérouillais la porte quand mon regard tomba sur le tapis de prière quelques secondes avant que je ne détourne le regard et ferme la porte.
Je traversais le séjour en direction de na cuisine quand l'image devant moi m'arrêta net.
IL était là, assis tranquillement les jambes croisées, un bras étalé sur le dossier du canapé et l'autre tenant son téléphone qu'il manipulait silencieusement.
Aucun son ne put sortir de ma bouche mais lui me regarda droit dans les yeux avant de poser le téléphone sur la table basse.
Il était visiblement sur haut parleur car une sonnerie se fit entendre dans tout l'appartement.
- en voici une surprise!
- bonjour
- tu vas bien Omar? Tu nous a donc vraiment lâchés comme ça?
- dis pas ça toi aussi
Durant tout l'échange j'étais pétrifiée alors que lui était impassible, ses yeux toujours plantés dans les miens.
- en tout cas tu nous manques. Tu voulais parler à Salif?
- non, Aisha. C'est à toi que je dois parler.
- rien de grave j'espere?
- Je suis actuellement avec .....
Je ne sais toujours pas par quelle force je me suis jetée sur le téléphone pour appuyer sur le bouton " raccrocher" et me retrouvais ensuite à même le sol ayant heurté brutalement la table basse.
Il se mit debout et tenta de m'aider mais je le repoussais violemment!
- reste loin de moi!
- t'as mal quelque part?
- comme si ça t'interessait! Tu l'aurais fait? Sérieusement? T'es un vrai c*****d!!!
Je me relevais et m'adossais au canapé, toujours assise sur la moquette et mis mon visage entre les mains.
Entendre ma cousine à travers le combiné m'a ébranlée, je ne pouvais le nier.
- Kadia....
-.............
- pourquoi tu te prostitues?
Mes larmes allaient sortir d'un moment à l'autre et je ne voulais pas craquer devant lui, tout sauf ça!
- tu ne sais rien de ma vie! Tu m'as chassée et humiliée alors que je ne t'ai rien fait. Tu m'as montré et dit que t'en avais rien à faire de moi alors que je me prostitue ou pas devrait t'être égal.
- ce n'est pas le cas.
Sa voix rauque et calme me fit lever les yeux.
Il se tenait là les mains dans les poches à m'observer puis son téléphone se mit à sonner.
- oui Aisha, désolé, on a été coupé
Je le suppliais du regard de ne rien dire.
- je voulais juste dire que j'étais avec des amis qui ont une fille qui ressemble tellement à Haby que j'ai pensé à vous.
-.........
- embrasse la pour moi. Je vous rappelle bientôt.
S'adressant maintenant à moi en raccrochant.
- je suis peut être un c*****d mais je ne peux pas te laisser faire ce que tu fais.
- pour ta gouverne je ne suis pas une
" p**e" comme tu sembles le penser et cette danse était juste un pari! Alors rentre chez toi et oublie moi.
- un pari? Kadia es-tu inconsciente ou stupide? cette ville t'est inconnue et tu ne sais pas dans quoi tu t'embarques. Va retrouver ta famille. Je te laisse quelques jours pour leur donner de tes nouvelles sinon je le ferai.
********************
Ils en restèrent là.
Quelques jours plus tard, chacun cogitait toujours de son côté, s'interrogeant sur la décision à prendre.
Kadia savait qu'Omar mettrait ses menaces à éxécution et Omar s'en voulait de ne rien dire à la famille de cette dernière.
Une chose était sûre, il ne pouvait garder ce secret plus longtemps.
Ce soir là, il était invité à une soirée organisée par un ministre qui aimait faire la fête et apparemment était adepte de soirée à thèmes.
Le mot d'ordre pour celle-ci, était le port d'un masque.
Sur le moment Omar trouva ça ridicule et se dit soudain qu'il commençait à être vieux jeu.
Son ami Justin et un autre de leurs acolytes Franck, eurent raison de ses derniers retranchements
Il se trouva même drôle dans son costard taillé sur mesure, un masque couvrant juste ses yeux, sur le visage.
Cela pourrait être amusant après tout.
Ils s'en allèrent direction Marcory où la soirée devait se tenir dans un endroit qui n'a été dévoilé qu'à la dernière minute.
L'endroit était décoré de manière sobre et ils trouvèrent déjà du monde sur place.
Des salons étaient disposés ça et là mais faisaient tous face à une piste de danse élégamment aménagée.
Le champagne coulait à flots et leur hôte avait vraiment mis les moyens pour épater ses invités.
De plus en plus de monde affluait et hommes comme femmes avaient le visage dissimulé derrière des masques tantôt discrets tantôt extravagants.
La soirée battait son plein et la piste de danse ne désemplissait pas.
Ses deux amis avaient quitté leur table depuis longtemps et lui, était assis au fond de ce fauteuil contemplant ce qui se passait sous ses yeux quand quelque chose attira son regard.
Un tissu rouge, léger, fin, virevoltant entre les danseurs.
Il essaya de glisser son regard comme il pouvait pour capter cette image quand les gens s'écartèrent légèrement laissant apparaitre cette femme.
Elle dansait dans cette robe rouge qui la collait comme une seconde peau, un chale en mousseline de soie flottant sur sur son épaule.
Le masque qu'elle portait sur le visage était de la même couleur que sa robe.
Comment être insensible à cette manière de se mouvoir comme une liane?
Qui pourrait ne pas s'attarder sur ces formes épanouies qui attiraient l'oeil comme un aimant?
Lui tournant le dos, elle fut bientôt cachée à moitié par le serveur qui la contourna pour lui offrir une coupe de champagne qu'elle but lassivement en continuant sa danse, sans se préoccuper du reste du monde.
Sans s'en rendre compte, Omar, tel un aimant s'était levé et se dirigeait vers ce point que ses yeux ne quittaient plus.
Se glissant entre les invités, il s'arrêta derrière elle et assistait maintenant de très près à ce spectacle époustouflant.
Un homme se pencha soudain devant elle et bientôt les effluves d'une fumée de cigarette montèrent vers le ciel.
Elle pencha alors légèrement la tête sur le côté, sentant sa présence mais ne se retourna pas pour autant, portant la cigarette à ses lèvres.
Ses mouvements se firent encore plus sensuels, si cela était possible, reculant jusqu'à se frotter à lui.
Ensemble, ils bougèrent sur le rythme de cette musique lascive, sa main désormais sur la hanche de cette déesse.
Jamais danse n'a été si brulante et Omar ferma les yeux, laissant ses sensations l'envahir.
La jeune femme se retourna doucement en se balançant délicieusement contre lui.
Au moment où il ouvrit les yeux, provocatrice, elle souffla de sa bouche artistiquement maquillée, une bouffée de cigarette sur son visage.
Le temps s'arrêta.
Leurs corps pouvaient se tromper mais ni l'un ni l'autre ne pouvait se tromper sur le propriétaire de ses yeux plongés dans les siens.