Gabrielle
- Vous êtes déférée au PPA ( Pôle Pénitentiaire d’Abidjan), en empoignant brutalement l'une des femmes présente dans ma cellule.
Un froid glacé me traversa. Mon Dieu... ferai-je la même fin que cette femme ? me demandai-je, le cœur battant à tout rompre.
Le lendemain, une autre dame rejoignit ma cellule, tandis que celle que j’avais trouvée au départ avait été libérée.
- Madame Nyaké, le commissaire souhaite vous voir. Veuillez me suivre, lança gentiment l’agent qui venait d’entrer dans la cellule.
Je me levai, le cœur battant. J’avais été écoutée par le commissaire de police il y a de cela deux jours et, depuis, c’était le silence. Je redoutais tellement cet entretien. Il avait été si froid la fois précédente que j’avais presque peur de l’affronter à nouveau.
Je suivis l’agent sans un mot, surprise lorsqu’il prit un autre chemin que celui menant à la salle d’interrogatoire. Au lieu de ça, il s’arrêta devant une porte plus imposante et l’ouvrit. Je me retrouvai face au bureau du commissaire, un espace plus grand, plus calme. Ce n’était plus une pièce d’interrogatoire, mais un bureau ordinaire.
Mon regard tomba enfin sur le commissaire, qui, à ma grande surprise, émit un léger sourire.
- Bonjour, madame. Je voudrais simplement reprendre notre conversation, si vous le permettez, dit-il d’une voix calme et posée.
Je levai les yeux, surprise par ce ton, comment dire, à la limite bienveillant.
- Oui, bien sûr, répondis-je, un peu méfiante, mais intriguée.
- Je veux m’assurer que nous comprenons bien tous les éléments. Vous avez expliqué que vous ne saviez pas comment le bracelet a pu se retrouver dans votre loge, c’est bien cela ?
- Oui, c’est exact. Je vous assure que je n’ai rien à voir avec cette affaire, répondis-je en croisant les mains sur la table, encore déconcertée par son changement d’attitude.
Le commissaire hocha la tête, son regard plein d’attention.
- Je comprends, madame. Il est important pour nous d’entendre toutes les versions avant de tirer des conclusions. Si vous avez quoi que ce soit à ajouter, n’hésitez pas.
Je ne pus cacher ma surprise. Personne ne m’avait jamais parlé ainsi depuis le début de cette affaire.
- Merci, monsieur, dis-je doucement, presque incrédule. C’est… appréciable. En fait, j'étais dans ma loge avec Martin...
Je me mis à lui raconter dans les moindres détails ce qui s’était passé, depuis la première fois que Martin avait prétendu avoir été appelé pour signaler la disparition du bracelet, jusqu’au jour où le fameux bracelet avait été retrouvé dans ma loge. Je lui parlai aussi des avances de Martin, sa proposition de tout oublier si j’acceptais de coucher avec lui, sans oublier les manigances de Léna et ses coups bas.
Le commissaire m’écouta attentivement, son regard marqué par une réelle empathie. Lorsque j’eus terminé, il posa une main rassurante sur le dossier devant lui.
- Je comprends la difficulté de votre situation, madame. Soyez assurée que nous allons tout mettre en œuvre pour faire la lumière sur cette affaire et rétablir la vérité.
Son ton était calme, sincère, et pour la première fois depuis longtemps, je sentis un peu d’espoir naître en moi.
- Nous allons faire de notre mieux pour éclaircir cette situation, conclut-il en se levant. N’hésitez pas à me contacter si vous pensez à quelque chose.
- Je vous remercie du fond du cœur, répondis-je, reconnaissante.
Le commissaire hocha la tête d’un air grave, puis appuya sur l’interphone posé sur son bureau.
- Agent, veuillez raccompagner madame Nyaké à sa cellule, s’il vous plaît.
Quelques instants plus tard, l’agent entra dans la pièce et m’invita à le suivre. Je me levai, le cœur un peu plus léger qu’avant, et le suivis dans le couloir silencieux.
Les jours suivants passèrent au ralenti. Moi, enfermée dans mes tourments, me posant sans cesse des questions. Pourquoi avais-je droit à des repas différents des autres ? Pourquoi tout à coup tout le monde semblait-il si gentil avec moi ? On m'avait fourni une serviette et le nécessaire pour l'hygiène. Ce traitement de faveur m’intriguait autant qu’il m’inquiétait.
Si la législation ivoirienne était semblable à celle du Cameroun, j’aurais dû être déférée au PPA depuis plusieurs jours. La loi camerounaise était formelle : après 72 heures en maison d’arrêt, le détenu devait être transféré en prison.
J’avais certes perdu la notion du temps, mais j’étais certaine d’avoir passé au moins cinq jours ici. Pourquoi étais-je encore ici ?
J’avais été de nouveau entendue par le commissaire, qui, cette fois encore, avait fait preuve d’une grande gentillesse et d’écoute attentive. Son ton calme et rassurant m’avait apporté un peu de répit dans ce cauchemar.
Un jour plus tard, alors que j’étais assise dans ma cellule, un agent entra sans prévenir. Il s’approcha de moi, le visage sérieux, et déclara simplement :
- Vous êtes libre.