Chapitre 3

2162 Words
J'attends Samir en bas de la cité. Il m'avait dit qu'il serait là à 20h mais il est déjà 20h10. Si dans 5 minutes il n’est pas là je me tire. Au même moment j’entends des pas dans ma direction et relève la tête de mon phone. Enfin il est là. —      Tu fais trop le désiré toi hein. —      Excuse j'étais avec mon frère. Tu vas bien ? Il se pose à côté de moi sur la rambarde et lance son sac à ses pieds. —      Tranquille et toi ? —      Tranquille. Ce soir t'es en mode Chelsea ou quoi ? Il fait référence à mon survêtement. —      La base. —      Ah tu connais ! Samir me donne un coup dans les côtes et je le pousse. —      T'es coups ils font même pas un peu mal Anna, rigole-t-il. —      Et celle-là elle fait mal ?      J’accompagne ma phrase en lui donnant une gifle. Oh merde ! Je crois je lui ai mise trop fort ! Samir touche sa joue et me regarde les yeux grand ouvert. —      Tu viens de faire quoi là ? —      Désolée je voulais pas faire aussi fort. —      T'es morte !      Il veut me sauter dessus mais je l’évite en courant le plus loin possible de lui. En me retournant je vois qu’il est juste derrière moi. —      Aaaah ! crié-je comme une conne. Heureusement que j'ai fait une queue de cheval bien serrée sinon j'aurais les cheveux en pleins dans les yeux.  Je cours encore et encore mais Samir réussit à me rattraper et me mettre au sol. Je ne vais pas vous cacher que je suis tombée comme une merde et que j'en ai presque perdu une chaussure. —      Donc toi tu me mets des baffes, hein ? Samir m'attrape par les cheveux et me fait des guilis au niveau du ventre. —      Ahhh pas les cheveux idiot ! PAS LES CHEVEUX !! Il laisse tranquille ma queue de cheval maintenant toute défaite et s'arrête en plein dans ses guilis pour me regarder. Nos visages sont tout proches. Je sais pas il joue à quoi là. —      En vrai t'es belle hein, me dit-il alors. —      En faux je suis moche ça veut dire ? —      Tu m'as compris bouffonne. Il soutient notre regard et m'aide à me relever. Je me tiens debout tout près de lui et je peux pas m'empêcher de regarder ailleurs que dans ses yeux. Il est trop beau et ça m'intimide. En plus c'est toujours un reflex que je fais quand je suis trop proche d'un mec. —      Tu fais la timide maintenant ? demande Samir. —      Arrête... —      Regarde-moi je vais pas te bouffer. —      Non. —      Comment ça non ? T’es sûre ? —      Ouais. —      OK.       Et là, contre toute attente, il prend mon visage dans ses mains et l'approche du sien pour poser ses lèvres sur les miennes. Genre sans demander, sans autorisation, comme ça ! C'est un malade dans sa tête. N'empêche je dis rien et me laisse faire, parce que j'avoue que le petit coco se débrouille pas si mal que ça. Quelques temps après il arrête notre b****r et me regarde. —      C'était ta première fois, pas vrai ?       Comment il sait ?? J'embrassais si mal que ça ?? Je hoche la tête en silence et Samir passe sa main derrière mon cou. —      Ça se voyait vu que t'étais toute figée et que t'avais l'air choqué. T'as bien aimé au moins ?     Il croit quoi lui ? Que je vais le couvrir de compliments pour la manière dont il m'a galoche ? Et puis quoi encore. —      Bon je vais remonter, lui dis-je super gênée. Sa mère, ça me ressemble pas ça. Avant j'étais timide et coincée du cul, mais maintenant je suis déterminée et sûre de moi. Pourquoi je me comporte comme une tapette, là ? —      T'es sérieuse ? Tu remontes déjà ? Je croyais que... —      Que quoi, Samir ? (Ah c'est bon j'ai repris mon assurance.) Déjà je comprends même pas pourquoi t'as fait ça. On est potes depuis le collège et t'es là tu m'embrasse. C'est chelou nan ? Ouais il est beau et ouais il embrasse bien, mais après faut que je me rende bien compte que c'est juste un poto et que y aura rien d'autre que de l'amitié entre nous. Donc ce qu'on vient de faire faut vite qu'on l'oublie ! C'était pas prévu dans le programme et franchement je regrette un peu maintenant que j'y repense. —      Wah fait même pas la princesse. En plus t'as kifé, mens pas. —      Arrête de faire le mec ! On oublie cette soirée et demain on fait comme si de rien n'était OK ? —      Mais tu m'as pris pour un clochard ou quoi ?! Tu crois vraiment je vais aller crier dans toute la cité qu'on s'est galoche ?? —      Non mais… —      Bon dégage tu m'as vénère là. Tu te laisse faire et après tu fais la sainte alors qu'en vrai on sait tous que t’es… Samir ne termine pas sa phrase. —      Quoi ? T'allais dire quoi là ?? je m'énerve. —      Vas-y rien. —      Nan mais parle ! Porte tes couilles e****é !       Quand je m'énerve je me transforme en bonhomme, ce qui a le don d’énerver encore plus Samir. —      Anna tu vas vite redescendre d'un étage avant que je... —      Que quoi ? dit soudain une voix derrière nous. Je l'ai reconnue directe. —      Bah répète gros, lui dit Nadir tandis que je me poste à côté de ce dernier. —      C'est ta pote là, elle fait trop la maline avec moi, répond Samir. —      C'est pas ta pote à toi aussi même ? —      Moi je parle plus aux meuf comme ça hein.      Mais qu’est-ce qu’il baragouine ? Pourquoi change-t-il brusquement de comportement avec moi ? Il a des problèmes ce type.       Il tente de s'en aller mais Nadir le retient. —      Comment ça « aux meufs comme ça » ? —      Rien vas-y je me nashave lâche moi gros. Nadir le laisse finalement partir et se retourne directement vers moi. —      Il s'est passé quoi là ? Pourquoi j'ai entendu des cris ? Et pourquoi il te regardait aussi mal ? Je m'énerve encore plus en pointant du doigt l'autre connard qui est maintenant tout au fond du quartier. —      C'est lui p****n !! Il fait des choses et après il assume pas ! J'ai rien fait, moi. —      Déjà baisse d'un ton, t'oublies je suis qui des fois toi. Ensuite qu'est-ce qu'il a fait pour pas assumer après ?       Je lui dis ou pas ? Euh... Non, vaut mieux pas. Parce que si je le fais je me mets moi aussi dans la merde donc c'est archi mort. Ça fait longtemps que je me suis pas mangé un coup, et j'ai pas envie que ça recommence. —      Rien, laisse tomber, dis-je. On s'est juste vénère pour de la merde. Bref. —      Ouais, ouais. Nadir me regarde de haut en bas avant que ça fasse tilt dans sa tête. —      Eh mais qu'est-ce que tu fais en bas de la cité à cette heure là en fait ? —      J'ai pas le droit de sortir ? —      Pas quand il fait nuit. Surtout si t'es seule. —      Tu crois t'es mon daron ou quoi ? —      Pas ton daron. Ton grand.     Parfois, ça a des inconvénients d’être entourée par des gars protecteurs…   ***        Le lendemain j'ai du mal à me lever du lit. Il faut que mon diable de petit frère me lance une claquette dans la tête pour que je réussisse vraiment à me réveiller. —      Si je t'attrape Younes t'es mort ! —      Tu parles trop pour rien golmonne ! je l'entends crier dans le couloir.     Je saute de mon lit, prends la claquette et le course dans toute la casa. Alors là pour le coup je suis bien réveillée ! —      Tu vas voir si je parle trop pour rien ! Je change de pièce et le vois tout au fond du salon, qui se cache derrière la daronne. —      Ah mais qu'est-ce qui se passe ici ? m'engueule-t-elle. Pourquoi ton frère me dit que tu l'a frappé ?      p****n mais il ment en plus ! Truc de ouf il a 16 piges s'il vous plaît. 16 p****n de piges ! Il s’agirait de grandir un peu dans sa tête. Je retourne dans ma chambre, ouvre mon armoire, prends un nouveau ensemble et pars m'enfermer dans la salle de bain prendre ma douche et me laver les dents. En même temps je mets de la musique et chante au rythme des paroles. En lui même le son n'est pas connu, mais il tue sa mère. C'est de Nadir et Tarek. Les deux font quelques sons par-ci par-là et les postent sur YouTube histoire de gratter des vus et surtout de l’argent. Pas beaucoup de gens les connaissent mais ils ont grave du potentiel. D'ici 5 ans ils seront archi connu, c'est sûr.      Quand je sors de la douche j'ai les cheveux tout frisés. Aujourd'hui flemme de les lisser, je sortirai comme ça. En arrivant dans le quartier j'ai un sac de sport dans les mains pour quand Z me remettra toute la consommation qu'il faut dedans. Z c'est un gars balaise, matte de peau et les chicos toutes niquées. Je crois qu'il s'est fait ça à trop se battre avec des gens. Bref je rejoins les gars dans le hall et tchek tous ceux qui passent devant moi, sauf Samir. Alors lui c'est archi mort. Y aura plus de bonjour ni de au revoir. Bas les couilles. —      Ça va ? me demande Nadir. —      Ouais. En fait non. Je suis fatiguée et j'ai la tête d'une clocharde, mais à part ça tout va bien.      Z arrive avec ces gars derrière lui et nous serre tous la main chacun notre tour. Quand il arrive vers moi il prend plus de temps à serrer ma main et me lance un regarde sceptique. Je comprends pas à quoi il joue. —      Bon, prêts pour une nouvelle commande les gars ? dit-il. Tarek, je te garantie que c'est de la pure comme jamais t'en a vu de ta vie. Elle a intérêt à bien garder ça dans un coin la petite, ajoute-t-il en me regardant. Je me contiens du mieux que je peux pour lui montrer mon jolie doigt d’honneur. —      T'inquiète pas, on prendra soin de la cons', lui assure Tarek en mettant tout dans le sac. Y en a pour combien en tout ? —      Plus de 20 mille. Fait belek, je compte sur toi. —      Pas de soucis. Tarek nous demande à Nadir et moi de sortir et on monte dans mon bâtiment pour tout aller ranger. Heureusement le petit frère est en cours et la daronne est au marché.      Dès que j'ai tout mis dans le fond de mon armoire je retourne à l'entrée de l'appartement et Nadir sort après moi. On se pose juste en bas du hall avec Madou et Lounis. Ils fument leur niaks et moi je reste la tête dans mon téléphone, à textoter avec Salwa ma cousine et Nawel l'une de mes potes. Un message de cette dernière me fait rire et Lounis me tape le haut du crâne en me demandant pourquoi je rigole. —      Ça te regarde, même ? le provoqué-je. —      Connasse.      On ris à deux et là Z sort du bendo pour venir dans notre direction. Je perds cash mon sourire. Les gars et moi on travaillent pour lui mais en réalité, bien que je joue l’hypocrite, je peux pas me le saquer. —      Anna, tu viens vite fait ? me dit Z et Lounis et Madou nous regarde illico.     Je suis grave choquée. D'où il connaît mon nom ? On s'est vu que très rarement depuis que je suis nourrice dans leur affaire. C'est la première fois qu'il veut s'entretenir avec moi. Normal que je comprenne pas ce qu’il se passe. Je le suis jusqu'à sa voiture mais je refuse quand il me propose de monter pour parler à  l'intérieur. —      On peut aussi parler dehors, fais-je. —      Au calme, comme tu veux. Je vais pas te manger. C'est exactement ce que m'a dit Samir hier soir. Et pourtant… —      Bon, alors comme ça t'es notre nourrice depuis 5 ans ? —      Ouais… Il s'attend à quel genre de réponse quand il me demande ça ? —      Ça va, tu t'y es fait ? —      Ouais ouais. —      Ton entourage le sait ? Il croit que je suis suicidaire à ce point ou quoi. —      Non. Que les gars d'ici. —      Fait-toi discrète, y a des poukave partout. Il me les casse à jouer le boss du coin là. Ah mais c'est vrai, c'est lui le boss. —      Sinon, t'as un numéro ou quoi ? reprend Z comme si de rien n'était. Mais il est vraiment sérieux ? J’hallucine là. —      J'ai que le bigo, nié-je. —      Pas d'autre téléphone ? —      Non. Juste le bigo. —      OK. Tant pis. Continue comme ça, et pas de connerie Anna. OK ?      Ses potes reviennent, montent dans sa voiture et ils se barrent. J'avoue j'ai un petit frisson en l'entendant dire ça. En même temps c'est le boss de tout le réseau, et il sait très bien quoi faire pour chacun de nous si on foire le business. Je connais pas tous les bails mais une chose est sûre, je sais que je n'ai pas le droit à l'erreur. Même pas un tout petit peu.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD