L'amour pour un week-end

3599 Words
                                                                                Chap. IV  Nko’o n’en revenait pas, depuis qu’ils étaient ensemble c’était la première fois qu’elle acceptait de passer le week-end avec lui. Jusque-là, elle s’était toujours contentée de passer quelques heures, elle arrivait, passait la soirée avec lui puis s’en allait. Il n’avait jamais pu obtenir d’elle qu’elle reste, ne fut-ce que jusqu’au matin. Il était assis près d’elle, et tellement heureux qu’il n’arrêtait pas de parler. Il lui avait déjà raconté sa journée, puis son entrevue avec ce nouveau client, et tout ce qu’il avait à mettre en œuvre pour ce nouveau contrat. Non pas que ce contrat fut en soi plus important que les autres, mais il allait le faire entrer dans un autre domaine complètement différent. La construction de bâtiments pré-fabriqués, en bois et avec des containers. Après son bac l’homme avait, comme Melu, préféré se lancer dans les affaires au lieu de continuer et aller à la fac. Ses parents lui en avaient d’ailleurs beaucoup voulus pour ça, et cela pendant très longtemps. Il n’était pas l’ainé de la famille, ni même le second, en fait Nko’o était le cinquième enfant d’une fratrie qui en comptait six. Il n’avait donc aucune urgence à se chercher du travail. Ses deux frères ainés travaillaient déjà et gagnaient plutôt bien leurs vies. Ils avaient payé les études des deux grandes sœurs de l’homme et s’attendaient à faire pareil avec leur jeune frère. Mais le gamin qu’il était encore à l’époque aux yeux de ses parents, ne l’entendait pas de cette oreille. Il voulait voler de ses propres ailes, et trouvait que la fac ne servait que si l’on voulait devenir l’employé de quelqu’un, or ce n’était pas son cas. Il faut avouer qu’il avait quand-même fallut qu’il suive quelques formations afin de mieux gérer ses affaires, lorsque celles-ci commencèrent à prendre de l’ampleur. Mais il avait toujours été quelqu’un d’organisé et de rigoureux, il ne souffrit donc pas beaucoup de ses quelques lacunes en gestion, ou en finances. Il avait commencé en misant sur le solaire dans un environnement où nul n’en voyait l’utilité. Si bien que ses premiers clients avaient été des personnes qui vivaient dans des campements ou des villages reculés, et dans lesquels la seule compagnie d’électricité du pays, n’avait pas encore jugée utile de s’installer. Ensuite il décela un besoin chez ceux qui construisaient à la périphérie de la ville ou dans les quartiers les plus récents. Les démarches pour obtenir un compteur électriques étaient si complexes que nombreux optèrent pour les différentes solutions qu’il  proposait, panneaux solaires ou éoliennes. Avec le temps, certaines communes reculées se mirent à faire appel à lui, pour les éclairages publics. Ce nouveau contrat concernait aussi les services, mais il avait désormais un département qui offrait à ses clients la possibilité d’être autonomes en eau, autant qu’il les rendait autonomes en électricité, et être chargé de la construction des bâtiments était un plus. Il avait investi dans des machines de forage et de purification d’eau, et contrairement à ce qu’il avait pensé au début, c’était au final ce département qui se révéla être le plus lucratif. Cela lui valut même quelques ennuis avec la compagnie d’électricité et d’eau du pays. Mais qu’importait, il ne fournissait pas d’eau à ses clients, il ne faisait que leur donner accès à l’eau qui se trouvait dans leur sous-sol, or selon la loi, la terre appartenait à son propriétaire et non au gouvernement, les gens pouvaient donc creuser et utiliser l’eau qui se trouvait dans leur sous-sol sans avoir besoin d’en référer à quiconque. C’est cela qui lui donna raison au tribunal, et au final c’est à lui qu’on versa des dommages et intérêts. Son père avait fini par reconnaitre que tout le monde ne pouvait pas avoir même destin, et le gamin qu’ils avaient tous critiqué lorsqu’il avait renoncé à faire des études, était maintenant le plus nanti de la famille. Bien plus riche que ses ainés. Malheureusement pour lui, sa mère n’avait pas eu la chance de le voir réussir, elle était morte en lui reprochant de ne pas être comme ses grands-frères. Avec le recul, il avait fini par considérer ça comme un compliment, non pas que ses frères ainés soient de mauvaises personnes, non, mais il était heureux d’être différent. D’être lui et c’est tout. Il racontait ça à Melu pendant qu’il l’accompagnait prendre des vêtements chez elle. La jeune femme l’écoutait en silence. Il n’était pas spécialement très bavard, surtout en ce qui concernait sa propre vie. C’était donc pour elle, l’occasion d’en savoir un peu plus sur lui. Il parlait sans la regarder, les yeux fixés sur la route, on aurait dit qu’il ne voulait pas qu’elle perçoive les émotions que tous ces souvenirs déclenchaient chez lui :   _ J’aurais quand-même aimé que ma mère me voie réussir, tu sais qu’elle m’a dit un jour qu’elle ne voulait plus avoir d’enfant après qu’elle ait eu mes sœurs _ Ah bon ? _ Mon petit frère et moi, nous avons débarqués l’un après l’autre comme le cheveu dans la soupe, et elle ne nous l’a jamais pardonné, alors à chaque fois qu’on faisait les choses différemment des grands, c’était l’occasion pour nous rappeler qu’elle n’avait jamais voulue de nous… _ C’est méchant, je trouve, souligna Melu _ Oui, et je pense que c’était fait à dessein, elle pensait qu’on en souffrirait et qu’on finirait par faire les choses comme elle le voulait elle mais, ça n’a pas marché, un jour mon p’tit frère lui a dit que si on avait décidé de ne pas aller à la fac c’était pour ne pas que ses enfants chéris dépenses le moindre sous pour nous… après ça elle n’a plus jamais levée le petit doigt pour nous, alors on s’est débrouillés, dès que mes affaires ont commencées à marcher je suis partit de la maison avec lui _ Et votre mère ? _ Oh rien, elle s’est contentée de tirer un trait sur nous, _ C’est triste, je comprends pourquoi tu n’es pas très proche de tes ainés _ Hum ! Ils n’ont pas bougés pendant que tout ça se passait, et alors que notre père, même en n’approuvant pas toujours nos décisions, nous a beaucoup soutenus, eux se sont servis de la colère de notre mère pour justifier le fait qu’il ne nous aide pas. Aujourd’hui avec mon frère, on est bien plus riche qu’eux, et c’est marrant de les entendre se plaindre que notre père ne leur demande rien, qu’à chaque fois qu’il a besoin de quelque chose qu’il nous le demande à nous. Moi je me dis qu’après tout ce qu’il a fait pour qu’on en arrive là, ce n’est que justice, mais pour eux c’est comme s’il les sous-estimait _ Chacun son tour… Fit Melu en riant   En l’entendant rire, il se tourna vers elle. L’air sérieux qu’il affichait en racontant tout ça, disparu d’un coup de sur son visage, et il rit à son tour. Il se dit que décidément, cette fille elle avait le don de lui faire prendre les choses du bon côté, si on pouvait dire. Et il aimait ça. Il aimait pardessus tout cette bienveillance qui émanait d’elle. Melu, il pouvait être en colère contre n’importe qui, il suffisait qu’elle lui parle, pour qu’en un instant il n’ait plus à cœur ni sa colère, ni la personne contre laquelle elle était dirigée. Il ne faut pas penser qu’elle avait le don d’effacer sa colère, en fait, sa seule présence la faisait diminuer d’un cran, et il arrivait à appréhender le problème de façon différente. Elle le rendait en quelque sorte plus docile on va dire. Et ce n’était pas rien. Nko’o était un jeune homme très sûr de lui, avec un caractère pas toujours facile à vivre. Et l’une des rares personnes qui pouvaient le faire descendre lorsqu’il montait sur « ses grands chevaux », c’était la jeune fille assise à côté de lui dans la voiture ce jour-là. Et plus que de l’amour ou de l’estime, il éprouvait beaucoup de fierté de partager sa vie. Ils avaient tous les deux beaucoup d’ambition, même si celle de la jeune fille n’était pas aussi démesurée que la sienne. Et puis, lui était concentré sur le fait de grandir, et d’être de plus en plus riche, alors que pour la jeune fille, le plus important était de parvenir à se faire assez de sous pour prendre soin des siens. Une qualité qu’il appréciait aussi chez elle. Une fois arrivé au domicile qu’elle partageait avec ses sœurs, Melu mis pieds à terre et demanda à l’homme d’en faire autant :   _ Ça va te prendre beaucoup de temps ? Demanda-t-il avant de la suivre à l’intérieur _ Non pas tellement mais tu ne veux pas saluer mes sœurs ? _ Si bien sûr, mince, j’oublie souvent qu’elles sont là, même quand la gamine est en week-end avec son grand-père, je te suis   Lorsqu’ils entrèrent dans le salon, les deux jeunes filles étaient assises en grande discussion autour de la table à manger. Le sujet du moment c’était la relation d’Ening et Oboun, le jeune frère d’Otse :   _ C’est du grand n’importe quoi, qu’est-ce que la relation de Melu et Otse a à voir avec Oboun et moi ? _ Tu ne le vois pas, sérieusement ???   Melu se raidit en entendant les paroles de ses sœurs et Nko’o le nota. En voyant leur grande sœur debout le teint blafard, elles se turent un moment inquiètes :   _ Melu ?? S’enquit Ening en se levant, ça ne va pas ? _ Si bien sûr, je vais bien mais, je ne savais pas que tu t’étais mise à sortir avec Oboun, ça m’a surpris c’est tout, tu ne m’as jamais dit qu’il te plaisait… _ Ce n’est pas encore … _ Oboun est un jeune homme sérieux et très introverti, évite de commencer avec lui quelque chose que tu ne veux pas vraiment, _ Comme Otse avec toi ? Fit Ening en regardant sa sœur un peu de haut _ Tu penses que c’est pour ça que… je ne sais même pas pourquoi je m’inquiète pour toi, après tout lorsqu’on brise le cœur d’une personne c’est cette personne qui souffre pas nous, alors tu peux bien le traiter comme tu veux, je te disais seulement ça parce que je l’aime bien ce garçon, mais bon… Nko’o tu viens m’aider s’il te plait _ Oui je te suis, dit l’homme sans plus prendre le temps de saluer les deux jeunes filles   Alors que Melu entrainait son amant vers sa chambre, ses jeunes sœurs restaient dans le salon, silencieuses. Sous le regard accusateur de son autre sœur ainée, Ening se tenait maintenant debout gênée. Depuis que Melu s’était séparée d’Otse, elle avait vu la jeune femme lutter contre son amour pour cet homme. Elle l’avait entendu pleurer durant des heures, lorsqu’après avoir découvert qu’elle attendait un enfant de lui, elle avait découvert par la même occasion qu’il s’était amouraché d’une poupée de salon qu’il couvrait de cadeaux en tout genre, et avec laquelle il se montrait partout. Tout ce qu’il s’était toujours refusé à faire avec elle. Si Nko’o n’avait pas été à ses côtés, il y avait des chances pour qu’elle n’ait même pas envisagé de garder l’enfant qu’elle attendait. Et voilà qu’elle lui balançait à la figure que ce qu’elle pouvait faire ou pas avec Oboun ne la regardait pas, même si elle devait lui faire du mal. Comme si Melu pouvait se réjouir qu’une autre personne endure ce par quoi elle était passée. Et encore moins Oboun. L’homme avait un petit garçon pour qui il était tout. Il avait fait une croix sur les femmes après le départ de la maman du petit. Personne ne pouvait savoir comment il réagirait à une autre déception, et ce qu’il adviendrait de son fils. Ening était bien placée pour savoir qu’Oboun n’était pas d’accord avec les agissements de son frère, et que le faire payer pour ceux-ci n’était pas juste. Et au-delà de tout ça, elle connaissait les sentiments du jeune homme pour elle. Le regard de sa grande sœur sur elle, lui disait littéralement que si elle avait l’intention de briser le cœur du jeune homme, elle devrait assumer cela toute seule. Que ni elle, ni Melu ne la soutiendrait dans cette absurde vendetta. Elle sortit de la maison pour aller prendre l’air, alors que Nko’o et Melu sortaient de la chambre. L’homme portait un petit sac de voyage dans lequel la jeune femme avait mis quelques effets personnels. Ils prirent congé et remontèrent en voiture. Les premières minutes, il eut le sentiment que Melu était encore à sa discussion avec sa sœur :   _ Je peux savoir à quoi tu penses ? S’enquit-il sans se tourner vers elle _ Oui bien sûr, je ne suis jamais venu passer du temps chez toi alors je… oh la la, je n’arrête pas de me demander si j’ai bien tout prit, et puis il y a des chances pour que je revienne une autre fois, et je ne sais pas s’il y a des affaires dedans que je devrais ramener chez moi en rentrant. Je ne sais pas pourquoi ça me tracasse autant,   L’homme fut pris d’un genre de fou rire, lui qui commençait à nouveau à se faire du souci. Il n’arrivait toujours pas à se convaincre qu’elle l’aimait lui, et qu’il n’avait rien à craindre de son ancien ami. Et à chaque fois que l’ombre de ce type apparaissait dans leur vie, il se mettait à stresser comme un dingue, la peur au ventre. Et voilà qu’il avait encore flippé pour rien. Elle était préoccupée par « des trucs de fille », juste ça. Le genre de chose que les garçons avaient du mal à comprendre. Melu le regarda en souriant sans rien dire jusqu’à ce qu’il s’arrête de rire :   _ Tu te moques de moi dis ? _ Je suis désolé ma puce mais, j’ai beaucoup de mal avec tous ces trucs de fille, franchement, parfois vous stresser pour pas grand-chose, on vit dans la même ville et puis… mince tu es ma p’tite amie chérie, si tu as oublié un truc important chez moi, tu passes le prendre, ou tu me demande de te l’apporter mais tu ne stresses pas ok ?? Il dit ça en souriant à nouveau _ D’accord tu as raison, ça ne te donnes pas pour autant le droit de te moquer de moi comme ça, dit-elle encore en souriant elle aussi _ Toutes mes excuses ma puce,   Il tourna les yeux vers elle un instant avant de fixer de nouveau la route. Elle avait l’air heureuse. Il s’était dit, qu’au vu de la façon dont il avait obtenu qu’elle passe le week-end avec lui, peut-être qu’elle allait faire un peu la tête, au moins au début. Mais non, elle était heureuse d’être avec lui et rien que de savoir ça, rendait son week-end exceptionnel. Nko’o lui aussi vivait avec son jeune frère. Mais contrairement à Otse, qui vivait dans son appartement et son frère dans un autre, Nko’o et son frère étaient très fusionnels, et ce n’était que très récemment qu’ils avaient chacun sa chambre. Jusque-là il avait toujours vécus dans la même maison et dormaient dans la même chambre. Melu connaissait le jeune homme pour l’avoir souvent rencontré dans les bureaux de l’entreprise de Nko’o, pour laquelle il travaillait à mi-temps comme coursier. Parce que son truc à lui c’était le bâtiment. Son frère et lui avaient acheté un immense domaine à la sortie de la ville, plusieurs années plus tôt, et c’était lui qui avait fait les plans et construit les six appartements qui s’y trouvaient. Ils avaient monté une structure qui œuvrait dans le bâtiment et c’était lui le maitre d’œuvre, mais leurs affaires étaient tellement emmêlées qu’on ne pouvait pas savoir celle qui appartenait à l’un ou l’autre et le rôle que chacun y avait. Les deux frères avaient trois ans de différence, mais à les voir, la plupart des gens les prenaient pour des jumeaux, malgré qu’ils ne soient pas la copie conforme l’un de l’autre. Nko’o et son frère, étaient tous les deux très grands et plutôt imposant, même si Nko’o était plus mince et musclé que son frère qui lui avait plus l’air d’un « gros et grand nounours ». C’est d’ailleurs ce qu’avait dit Melu à Nko’o la première fois qu’elle avait passé la soirée avec les deux hommes. Nko’o lui avait confié que malgré que leur appartement ait trois chambre il dormait son frère et lui toujours dans la même chambre. Mais lorsqu’elle était venu passer du temps avec eux, elle s’était rendu compte qu’ils avaient finalement décidés d’avoir chacun sa chambre. Elle avait alors demandé à Nko’o s’il avait fini par s’habituer à dormir sans son « doudou ». Mintsa avait beaucoup rit lorsque son frère lui avait raconté ça, surtout qu’en réalité, lorsqu’ils étaient enfants, c’était lui qui avait souvent peur de dormir tout seul, et c’était Nko’o qui aurait dû être taxé de « doudou ». Car s’était sa présence à lui qui rassurait son petit frère et pas le contraire. C’était un peu ce qui avait fini de briser la méfiance que le jeune homme éprouvait à lors à l’égard de Melu. Il ne trouvait pas très « sérieux » qu’une fille qui était sorti avec un garçon se retrouve ensuite à sortir avec l’un de ses meilleurs amis, surtout que cette amitié avait pris un coup à cause de ça. Le jeune homme n’était pas un fan d’Otse mais c’était plus par principe. Ensuite son frère lui avait fait remarquer qu’au départ la pauvre n’était pas d’accord et que c’était lui qui avait fait « des pieds et des mains » pour qu’elle accepte de sortir avec lui. Et puis il s’était un peu vanter, auprès de son frère, d’être irrésistible. Mais en le voyant se comporter comme un félin avec la jeune fille, Mintsa avait compris que son frère était réellement amoureux de Melu, et il se dit qu’on ne pouvait pas grand-chose lorsque les sentiments étaient là. 
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