Chap. III
Melu avait décidée de discuter de sa situation avec Nko’o, il avait été là pendant sa grossesse, et avait été d’une aide inestimable après son accouchement. La fillette n’avait d’ailleurs que lui et son grand-père, comme figure masculine. Et à cause de ce rapprochement entre eux, elle se dit qu’il devait savoir. La journée était bien avancée, lorsqu’elle se décida à lui passer un coup de fil, elle savait que son programme de la journée n’était pas trop chargé, ses affaires fonctionnaient en pilotage automatique, du moins c’est ce qu’il disait. Il s’était lancé dans les affaires depuis si longtemps qu’en ce moment, les efforts à fournir pour se maintenir à flot n’étaient pas énormes.
Il reçut le coup de fil de la jeune femme, alors qu’il était en compagnie d’un collaborateur dans son bureau. Il lui donnait quelques directives concernant un nouveau contrat, qu’il voulait soigner d’une façon toute particulière. Malgré cela, il prit l’appel, en demandant au jeune homme de revenir vers lui un peu plus tard :
_ Dis-moi tout ma belle, je t’écoute, ton chevalier servant est à tes pieds et n’attends que tes ordres pour obéir,
Il sourit en disant cela puis se tût. Melu hésita un moment puis il sembla à l’homme qu’elle cherchait ses mots :
_ C’est si grave que tu ne sais pas comment me le dire ? S’enquit l’homme
_ Non… en fait il s’agit d’Otse… elle se tût de nouveau
Nko’o se cala dans son siège et soupira, il sentit son cœur se fendre un instant dans sa poitrine. Il anticipait sur un possible retour de flamme entre Melu et lui, depuis qu’il était avec la jeune femme mais il espérait que ce ne serait pas si tôt. Il avait encore du mal à se dire qu’elle l’avait oubliée. En fait il pensait n’être de la vie de la jeune femme qu’une bouée à laquelle elle s’était accrochée après sa séparation avec son ami de longue date :
_ Tu as décidée de te remettre avec lui c’est ça ? A cause de la gamine ? C’est ça que tu n’arrives pas à me dire ? Parles Melu je t’en prie
_ Non mon cœur, arrêtes de te faire du souci pour ça, tu te fais du mal pour rien voyons
_ Tu en es certaine ? Je sais bien que tu dis que tu te sens bien avec moi, mais c’est plus fort que moi, je sais moi à quel point tu l’aimais…
_ Je n’y peux rien concernant mes sentiments pour lui, c’est sûr, mais je t’ai déjà dit que je ne voulais pas me remettre avec lui, et ça n’a pas changé
L’homme parut rassuré par les paroles de la jeune femme :
_ Alors qu’est-ce qu’il y a avec lui ? Il a un problème avec lui ?
_ Non, mais il est au courant que Assengone est sa fille, il m’a appelé et…
_ On s’y attendait un peu non ? Dit Nko’o en soupirant
_ Oui, mais du coup je ne sais pas quoi faire je…
_ C’est sa fille ma belle, tu ne peux pas le tenir loin d’elle indéfiniment, il faut que tu le rencontres et que vous en parliez calmement, précisa l’homme
La jeune femme soupira, en reconnaissant certainement que c’était la seule chose à faire. Mais le faire calmement c’était tout autre chose. Melu avait gardé de l’homme, l’image d’une personne entêtée et incapable de faire des compromis. L’entrevue s’annonçait donc pénible surtout pour elle. Nko’o connaissait suffisamment sa nouvelle compagne, pour savoir qu’elle n’avait pas l’intention de faire de cadeau à son ancien compagnon, et qu’il lui faudrait lui donner de sérieuse garanties pour envisage de le laisser voir la petite, et s’il voulait la reconnaitre ce serait un autre marathon :
_ On est d’accord que tu vas le laisser voir sa fille hein Melu ? Interrogea Nko’o, tu ne vas pas te servir de la petite pour te venger de lui, rassures moi
_ Non, bien sûr que non, ne t’en fais pas pour ça, c’est juste que j’appréhende une discussion avec lui, je n’ai pas envie que ça se passe mal, tu pourrais venir avec moi dis ?
_ Si je viens pour te rassurer, ok, mais ne t’attends pas à ce que j’intervienne dans votre conversation, tu me suis là ma belle !
_ Oui, je veux juste que tu sois dans les parages, tu me ramèneras à la maison après
_ D’accord, je vais faire ça pour toi, mais toi, tu me promets de rester concentrée sur la gamine, c’est pour parler d’elle que vous allez vous voir, et pas pour régler vos comptes, tu me le promets Melu ??
Melu garda le silence une minute, les idées ailleurs, l’homme avait raison encore une fois, elle devait garder à l’esprit qu’ils n’allaient pas se voir pour tenter de se remettre ensemble ou débattre des torts de chacun dans toute cette histoire. Ils allaient se rencontrer pour décider comment ils allaient se répartir leurs responsabilités, et l’organisation des charges de la petite. Ils décideraient aussi du nom qu’allait porter la petite etc… c’était tout. Quoiqu’il se soit passé entre eux dans le passé, cela n’entrerait pas en considération ce jour-là. Nko’o ne le lui pardonnerait pas. Parce qu’une discussion qui tournerait autour de leur passé commun, signifierait qu’ils étaient en train de négocier une probable réconciliation, et elle venait de le rassurer qu’il ne s’agissait nullement de cela.
Le silence qu’elle opposait à sa question inquiéta un peu l’homme :
_ Melu ??
_ Oui, je m’excuse j’étais perdue dans mes pensées, tu veux bien passer me prendre dès que tu auras fini ?
_ Aujourd’hui ?
_ Oui, j’ai terminé ma journée et j’ai besoin de te voire
_ Alors j’arrive de suite, je dois juste voir Akele pour lui demander de faire un chèque au jeune qu’on vient de recruter, il commence demain et je voudrais qu’il trouve un bureau équipé avec le minimum, pour le reste on peut attendre la fin du mois
_ Tu m’emmèneras faire un tour ?
_ Qu’est-ce qu’il y a Melu ? Questionna l’homme
_ Rien, pourquoi ?
_ Tu as la petite à récupérer chez ton père, ce n’est pas la porte à côté, et tu veux allez faire un tour avec moi avant… non pas que cela me dérange, mais ce n’est pas ton genre d’improviser, parles-moi ma belle qu’est-ce qui ne va pas ?
_ Je me sens vulnérable, parce que j’aurais due le lui dire depuis des mois et…
_ D’accord, je vois, tu t’en veux et tu as l’impression qu’à cause de ça, tu n’auras pas vraiment ton mot à dire lorsque vous vous verrez ?
_ C’est ça,
Nko’o sourit, il avait eu peur pour rien, mais cette vulnérabilité, il ne fallait pas que l’ami Otse s’en serve contre sa compagne. Il allait y veiller. Il rassura Melu en lui disant qu’il arrivait, et qu’il ne fallait pas qu’elle s’inquiète trop pour cette entrevue avec Otse, et puis il n’était pas si méchant ce garçon, un peu maladroit peut-être, un tantinet introverti mais pas méchant pour un sou. Il connaissait bien Otse, et il se disait qu’ils n’avaient aucune mauvaise surprise à attendre de lui. Il laissa les consignes pour le lendemain et sortit sur le parking où une sacrée bonne surprise l’attendait.
Otse était debout près de sa voiture et paraissait hésiter à entrer dans ses bureaux :
_ Mon cher ami Otse, c’est une sacrée surprise ! Je pensais que nous étions fâchés et tu ne voulais plus entendre parler de moi,
Otse se tourna et sembla gêné en apercevant Nko’o :
_ Salut, c’est vrai mais j’ai besoin de te parler, et s’il te plait je ne voudrais pas que tu parles à Melu de cette rencontre
_ Pourquoi tu voudrais que je lui dise que tu es passé me voir ? Sauf si tu as l’intention de me parler d’elle
L’homme baissa la tête :
_ Ok vieux frère, je vais essayer de garder ça pour moi si ce n’est pas trop grave, tu veux qu’on aille s’assoir là-bas ? Fit Nko’o en indiquant du doigt un banc public à quelques pas de l’entrée de ses bureaux
L’homme en face de lui observa le banc quelques minutes et accepta. Une fois assis, il se passa la main dans les cheveux et toussota, Nko’o le fixa en silence :
_ J’ai appris que Melu avait eu un enfant de moi et… je ne sais pas pourquoi c’est toi que je viens voir mais, elle refuse de me parler…
_ Comment ça ? Coupa Nko’o
_ Lorsque je l’ai appelée pour en savoir un peu plus après que j’ai appris la nouvelle… elle m’a raccrochée au nez,
_ Oh ok, c’est tout elle ça, mais dis-moi, tu veux que j’en discute avec elle ou quoi ?
_ Je ne sais pas, fit l’homme de plus en plus mal à l’aise
_ Elle ne m’a pas expliquée comment c’était passé votre conversation, mais il y a des chances pour qu’elle te rappelle
_ Ah oui tu crois ? Fit Otse surpris
_ Oui, elle est juste toujours un peu remontée contre toi c’est tout, mais elle ne va pas t’empêcher de voir ta gamine, je ne pense pas qu’elle irait jusque-là
Nko’o senti l’homme rassuré, mais lorsqu’il voulut prendre congé, il le retint :
_ Frangin, désolé de te prendre ton temps mais… je…
_ Sois pas désolé je t’écoute,
_ Tu sais qui a reconnu la petite ?
_ Personne, son père n’était pas d’accord qu’on déclare la petite sous tutelle, il a préféré qu’on attende que Melu se décide à en parler avec toi, mais elle l’a appelée Assengone, c’était le prénom de leur mère tu pourrais lui accorder que cela reste comme ça ?
_ Oui bien sûr, je veux juste pouvoir éviter d’être un mauvais père pour la petite, je m’en veux tu sais, sur ce coup-là je n’ai pas assuré… toujours à m’engager dans des choses que je n’arrive pas à assumer, je n’aurais pas dû me mettre entre vous deux au début, elle n’aurait pas traversée tout ce…
_ Hey… laissons ça ok ? C’est toi qu’elle voulait, et c’est déjà étonnant qu’elle soit avec moi maintenant, je ne suis même pas sûr que ça dur
_ Y a pas de raison, tu es le genre de mec qu’il lui faut…
_ Et toi ta copine ?
_ Oh celle-là, on ne va pas faire long feu, elle m’épuise moralement, je ne sais pas où j’avais la tête lorsque je me suis mis avec elle, mais bon c’est à moi de régler ça, c’est toujours pareil avec moi… écoute encore merci de m’avoir accordé ton temps, désolé pour tout ça…
Nko’o se contenta de hocher la tête et resta un instant assis à regarder son ami s’en aller. Puis il se souvint qu’il devait aller prendre Melu. Il repensa à sa conversation avec Otse et se dit qu’il n’y avait aucune urgence à parler de ça avec elle pour le moment. Il serait toujours temps plus tard de revenir sur cette conversation, à un moment où la jeune femme serait plus tranquille avec cette rivalité entre lui et le père de sa fille. Il monta dans sa voiture et réfléchissait à toute cette histoire en conduisant. S’il avait été à la place de son ancien ami, il aurait lui, tout fait pour récupérer sa petite amie et sa gamine ce n’était pas négociable.
Il aurait organisé sa vie pour leur faire une place et se serait donné à fond pour qu’elles lui reviennent. Rien n’aurait été trop beau. Décidément Otse n’était toujours qu’un gamin capricieux, il voulait une chose maintenant puis il s’en désintéressait, ensuite il s’intéressait à autre chose et se rendait compte que ce n’était pas ce qu’il lui fallait. Il comprenait maintenant la colère de Melu, cet homme ne s’engageait qu’en surface sans réellement s’impliquer. Et voilà qu’une autre jeune femme allait faire les frais de son flegme. On pouvait bien ne pas la trouver à la hauteur comme femme, elle ne méritait cependant pas de se faire traiter comme quantité négligeable, surtout après la façon dont l’homme avait pris soin d’elle tout ce temps. Comme s’il en était fou.
Il fallait qu’Otse s calme et qu’il arrête de se mettre avec des filles jusqu’à ce qu’il soit sûr de ce qu’il veut vraiment. Mais ça ce n’était pas à lui de le lui faire remarquer. Le trajet jusqu’au magasin de Melu était d’à peu près une dizaine de minutes en voiture, il arriva vite. La jeune femme l’attendait dehors pendant que l’équipe du soir vérifiait les colis à livrer, dans le parking en compagnie des chauffeurs. Elle le vit arriver et souris :
_ Salut ma belle ! Fit l’homme en descendant de voiture,
Il se dirigea tout droit sur elle, et la prit dans ses bras :
_ Je n’ai pas été trop long dis-moi ?
_ Non, je savais que tu devais encore bosser alors je ne me suis pas étonnée de te voir mettre plus de temps que prévu, on y va ?
_ Oui viens, au fait et pour la petite ?
_ Papa est d’accord pour la garder ce week-end
_ Ah oui ? Fit l’homme en souriant, alors je t’emmène directement chez moi ?
_ Nko’o…
_ Ne me trouve pas encore une excuse ma belle, ça fait des mois qu’on est ensemble et tu continu de refuser de passer la nuit avec moi, c’est tout ce que tu attends de moi alors, on fait l’amour et tu rentres chez toi et basta…
_ Comment ça basta ?
_ Tu ne veux pas t’engager, tu as juste besoin d’avoir quelqu’un dans ta vie juste…
_ Non tu te trompes, mais je… (Elle souffla) tu ne vas pas m’obliger à vivre avec toi maintenant et…
L’homme lui fit signe de se taire :
_ Tout ce temps que je prends pour te laisser voir qui je suis, et toi tout ce que tu vois c’est que je suis un mec qui va encore te piéger dans une relation… tu me confonds avec Otse ou quoi ? Alors tu ne me connais toujours pas, Melu ???
Il parlait calmement, mais Melu voyait bien que chacun des mots qu’il prononçait lui brisait le cœur. Il lui avait donné du temps pour tout, il était patient comme aucun des hommes avec lesquels elle était sorti avant lui. L’homme était debout devant elle comme attendant une réponse qui ne venait pas :
_ Je ne sais pas pourquoi je me suis persuadé que toi et moi…
_ Nko’o je t’en prie, coupa la jeune femme, ne dis pas ce que je crois que tu vas dire
_ Pourquoi ?
_ Je t’aime Nko’o, je t’assure…
_ Si seulement…
Melu lui prit la main dans la sienne et déposa un b****r dessus :
_ Je t’en supplie ne remets pas mes sentiments pour toi en question. Nko’o, jusqu’ici tu m’as donné ce que personne avant toi ne m’a jamais offert
_ Quoi ? S’enquit l’homme curieux
_ Du temps, mais malheureusement j’ai besoin d’un peu de temps encore, et ce n’est pas pour être sûr de mes sentiments pour toi…
_ Alors pourquoi ? Coupa l’homme en la prenant dans ses bras, dis le moi ma belle, je crève de ne pas savoir ce qui te retient de te donner à moi pour de bon, je t’en prie
_ Ce n’est rien de grave, mais c’est important pour moi, j’ai besoin de m’assurer que mes sœurs sont en sécurité avant de m’engager encore, nous avons eu quelques mauvaises passes et mon père… enfin, on en parlera une autre fois mais ça n’a rien à voir avec toi
_ Alors passe le week-end avec moi, juste celui-ci, je te promets qu’après je ne te demanderais plus aucune preuve de tes sentiments pour moi, je meurs un peu chaque minute depuis que l’ombre d’Otse est de nouveau entre nous…
_ Pourquoi ?
_ C’est plus fort que moi, je…, fit l’homme en se passant la main sur le visage
_ Je vois, écoutes je veux bien à condition qu’on ne parle pas de s’installer ensemble pour le moment d’accord ?
Nko’o ne répondit rien, il se contenta de la serrer contre lui. Elle sentit son cœur battre, on aurait dit qu’il venait de courir le marathon :
_ Je suis avec toi Nko’o, et je ne vais nulle part, je suis désolée mon grand, j’aurais dû tout t’expliquer plus tôt mais c’est compliqué surtout qu’il ne s’agit pas que de moi dans tout ça, tu me pardonnes ?
Encore une fois il resta silencieux. Il se disait que tout cela importait peu tant qu’elle était avec lui. Il la tenait toujours serrer contre lui. Cela lui prit quelques minutes pour se ressaisir, puis il relâcha son emprise et posa son regard sur la jeune femme. Elle le fixa elle aussi en silence :
_ Ma belle, je crois que tu ne sais pas à quel point je tiens à toi, tu penses que je cours après toutes les ex d’Otse ?
_ Je sais bien que non,
_ Tu es spéciale pour moi, tu sais lorsque tu as préféré être avec lui, j’ai mis des mois à te sortir de ma tête sans véritablement y arriver, et maintenant… j’ai le sentiment d’être un imposteur
_ Ne dis pas ça,
_ Tu me promets que tu es avec moi pour moi, que je ne suis pas juste une bouée à laquelle tu t’accroches pour ne pas couler ?
_ Je t’aime tu m’entends, n’en doute jamais d’accord
Nko’o la pris de nouveau dans ses bras et serra fort. Il déposa un b****r sur son front, et Melu sentit que son cœur avait ralenti. Elle se risqua à dire à l’homme que le soir allait tomber et avec lui le froid. Il ne fallait pas qu’ils prennent racine tous les deux, l’homme sourit et l’entraina vers sa voiture. La soirée s’annonçait belle pour lui, qu’il pleuve ou qu’il neige.