Le mari de ma sœur avait fait venir un de ses amis de la fac qui était à ce qu’il parait un brillant avocat. Etant donné que la police m’avait sous son collimateur, il me fallait quelqu’un pour assurer mes arrières. Je ne pouvais me défendre toute seule. Faut dire que je n’en ai ni la force, ni le courage.
Badou, mon beau-frère invita son ami avocat à dîner. Il trouvait que ce serait beaucoup moins formel si on faisait connaissance autour d’un repas. Ce que j’ai d’abord apprécié chez son ami, c’est sa ponctualité. Ramata avait dit 20 H, mais à 19 h 30 il était déjà là. C’était bon signe.
Quand il sonna, c’était la femme de ménage qui lui ouvrit et l’installa au salon où je regardais tranquillement la TV. Vêtue de noir, je me levai pour lui donner la main :
-Moi : Vous devez être l’ami de Badou, avocat ?
-Mohamed : Oui, appelez-moi Momo. Vous êtes Dieynaba ?
-Moi : Coupable. Enchantée de faire votre connaissance. Je vais chercher Badou.
-Mohamed : De même. Toutes mes condoléances pour votre mari.
Qu’étais-je censée répondre à chaque fois que cette phrase sortait de la bouche de quelqu’un ? Dire merci voudrait dire accepter l’idée que je sois désormais veuve. Mais ne pas répondre c’est incorrect. Je laissai sortir un « merci » qui ne venait pas du tout du cœur.
Au moment de monter les escaliers, je croisai mon beau-frère.
Apparemment, la femme de ménage l’avait déjà informé. J’allai retrouver Ramata dans la cuisine. C’est fou ce que c’était mon contraire. Depuis notre tendre enfance, elle s’amusait à concocter des petits plats. Elle adore cuisiner et le fait très bien. Je ne pourrai pas en dire autant de moi. Je ne dirai pas que je ne sais pas cuisiner, mais c’était vraiment la dernière de mes préoccupations. Combien de fois ma mère m’avait engueulée pour me forcer à cuisiner ? J’étais plutôt du genre à me pouponner. Oui, je sais il n’y a pas que cela dans la vie. Je dirai que mon père a fait de moi, une enfant gâtée. Ma grande sœur s’était toujours tapée toutes les tâches ménagères. J’admirai la regarder quand elle cuisine, car elle y met tout son amour.
-Ramata : Ne me dis pas que tu es venue m’aider ? Parce que c’est un non d’office.
-Moi : Tu sais très bien que non. Votre invité est là.
-Ramata : Ok super. Dans tous les cas, j’ai fini donc retournes au salon. Je vais juste prendre une douche et le dîner sera servi ensuite.
-Moi : Ok ça marche.
Depuis la mort de Jules, j’éviter de rester seule. Je montai jeter un coup d’œil aux enfants. Ils jouaient dans la salle de jeux des enfants de Ramata. Je ne pouvais les regarder sans qu’une larme coule. L’assassin de mon mari a définitivement privé mes enfants de leurs pères. Désormais nous fêterons les anniversaires, les bonnes notes, les mariages sans lui. Quand nos enfants grandiront et iront chacun de leurs côtés, qui me tiendra compagnie ?
Je ne voudrai surtout pas être le genre de maman qui prive ses enfants de leur bonheur parce que je suis seule et aigrie. Les enfants n’avaient même pas fait attention à ma présence alors je redescendis sur la pointe des pieds.
Je retournai au salon où la table avait déjà été dressée et bien garnie. Ramata avait fini de prendre sa douche. Elle avait fait des plats pour les enfants et les fit monter. Leurs nounous se chargeraient du reste.
Nous nous assîmes tous à table. Tout le monde avait l’air d’avoir faim sauf moi. Je n’avais pas d’appétit et n’avait rien pu avaler depuis le jour du meurtre. Badou racontait des anecdotes sur son ami avocat et ils éclatèrent tous de rire, sauf moi. Je regardai ma sœur et l’enviait. Elle au moins avait toujours son mari et père de ses enfants à ses côtés. Ils avaient beau compatir à ce qui pouvait m’arriver mais leur degré de souffrance est tout simplement incomparable au mien.
Je n’ai pas pu retenir mes larmes, je m’effondrai. Ma sœur me prit par la main et me demanda de la suivre dans le salon d’à côté. Elle referma la porte puis me dit :
-Ramata : Dieynaba, que diraient les enfants s’ils te voyaient ainsi ? Pleurer ne ramènera pas Jules. En plus, sais-tu de quoi a-t-il besoin ? De prières. Si tu l’aimes vraiment, sèches tes larmes et pries pour lui.
Ce n’était pas ma grande sœur pour rien. Eh oui, Dieu fait très bien les choses et ne se trompe jamais. Je dis à chaque fois, que les paroles de ma sœur sont parfois crues, mais non. J’aurai aimé avoir sa sagesse, sa force et sa croyance, je vous le jure. Je ne savais même pas quoi dire.
A côté, Mohamed s’inquiétait pour moi, même s’il me connaissait à peine :
-Mohamed : C’est vraiment dur ce qu’elle traverse. Heureusement que vous êtes là pour la soutenir. Sinon saurait été pire.
-Badou : J’espère que la police nous rendra bientôt le corps et que l’on pourra enfin l’enterrer.
-Mohamed : Ne t’en fais pas pour cela. Je vais gérer la police. Prends ma carte, quand je serai parti, remets-la à ta belle-sœur stp afin qu’elle passe me voir demain à mon cabinet à l’heure qui lui conviendra. Je ne veux pas créer plus de malaises.
-Badou : Je comprends, ne t’en fais pas. Allez mangeons man.
Mohamed et Badou continuèrent de manger sans Ramata et moi. Je n’avais plus envie de me mettre à table. Tout ce que je voulais c’était m’enfermer dans la chambre d’amis qui me servait de chambre temporaire. Je demandai à ma sœur de me laisser aller me coucher. Elle regarda sa montre comme pour me dire qu’il était tôt mais respecta ma décision. Une fois seule, je m’allongeai sur le lit et me mit à crier, la tête enfoncée sous l’oreiller. Mon téléphone se mit à vibrer. C’était Maty. Je décrochai sans hésiter. Elle ne faisait pas partie de ces personnes que je n’avais pas envie d’entendre.
-Maty : Ma chérie, Ramata m’a dit que ça n’allait pas. Tu veux que je vienne te voir ?
-Moi : Non, j’ai besoin de rester seule. Je te remercie.
-Maty : Ne m’exclut pas stp. Tu as besoin d’être entourée de tes proches. Nous avons surmonté beaucoup d’obstacles avant, alors pourquoi pas celui-là ?
-Moi : Parce que j’ai perdu mon mari Maty. Tu comprends ça ? J’ai perdu ma raison de vivre, mon amoureux et mon meilleur ami.
-Maty : Je sais ma puce. Je n’ose même pas imaginer ce que tu vis ces derniers temps. Je te tends la main alors stp accepte la.
-Moi : Je te ferai signe demain. J’ai besoin de dormir, bisous.
-Maty : Ok ma chérie. Passe une bonne nuit. Gros bisous.
J’ouvris mon sac et me mit à chercher la boite de somnifère que l’on m’avait prescrite. Je n’avais pas dormi depuis lors. A chaque fois que je fermai les yeux, je voyais le corps sans vie de mon mari baignant dans une mare de sang. J’avalai deux comprimés or la dose prescrite était d’une, mais c’était pour être sûre que je ne me réveillerai pas en pleine nuit. Je tirai les rideaux, éteignit la lampe puis m’allongea le temps de trouver le sommeil.
Alors que je dormais, Ramata et Badou raccompagnèrent Mohamed. Badou aida ensuite sa femme à débarrasser la table. Ils se faisaient tous les deux beaucoup de soucis pour moi :
-Badou : J’espère que ça ira pour Dieyna. Je suis vraiment inquiet. J’ai peur qu’elle fasse une dépression.
-Ramata : C’est pour cela que je préfère qu’elle reste encore un petit peu ici. Au moins, je pourrai garder un œil sur elle et la recadrer quand il le faut. Mais avec ton consentement bien sûr.
-Badou : Cela ne me pose aucun problème. Elle est ici chez elle et peut rester le temps qu’il faudra.
-Ramata : Merci. Ça me touche. Tu mérites une récompense, allez suis-moi.
Badou ne se fit pas prier. Il se contenta juste de suivre sa femme.
Le somnifère avait super bien agi. Je ne me réveillai que le lendemain matin. Je pense que j’aurais probablement dormi jusqu’au soir si les enfants n’avaient pas frappé aussi fort à ma porte. Je me levai histoire de leur ouvrir en leur faisant signe pour leur expliquer que j’allai me brosser les dents. Pendant ce temps-là, ils sautaient sur mon lit. Dès que je sortis, ils coururent vers moi. Amadou me prit la main, puis dit :
-Amadou : C’est l’heure du petit déjeuner maman. On est venu te chercher.
Maty qui se sentait frustrée et mise à l’écart dit :
-Maty : C’est moi qui t’ai dit qu’on aille chercher maman.
Que ferai-je sans eux ? Je les avais un peu négligés depuis l’incident et je culpabilisais :
-Moi : Merci à tous les deux d’avoir pensé à moi. Je vous aime.
Accompagnée de mes bouts de chou, je descendis prendre mon petit déjeuner. Badou était déjà allé travailler et ma sœur m’attendait impatiemment.
-Ramata : As-tu bien dormi ? Je suis désolée que les petits t’aient réveillé. J’ai essayé de les en empêcher mais ils sont plus futés que moi.
-Moi : Ne t’inquiètes pas. Fallait que je me lève de toute manière.
-Ramata : Avant que je n’oublie, voici la carte de Mohamed. Il aimerait que tu passes à son bureau à l’heure qui te conviendra.
-Moi : Ok je prends mon petit déjeuner après j’irai prendre une douche et j’irai le voir une bonne fois.
-Ramata : Ok super. Il veut vraiment t’aider.
-Moi : Je sais.
Je faisais mine de manger uniquement pour faire plaisir aux enfants, mais au fond, je n’avais pas faim. Ma gorge était toujours aussi nouée. Je n’arrivais qu’à boire du jus et de l’eau. Après avoir plus ou moins mangé, je montai prendre une douche. Je portai une tenue traditionnelle toute blanche. J’avais défait mon tissage et laisser les tresses. Je mis un énorme foulard, dis au revoir à Ramata et aux enfants puis monta dans ma voiture.
Le bureau de Mohamed se trouvait à la Sicap. Heureusement, ce n’était qu’à quelques minutes de ma sœur. J’avais pris le soin de lui téléphoner en chemin pour l’informer que j’avais quitté et lui demander plus amples informations sur l’endroit exact où se trouvait son bureau. Je me garai au niveau de leur parking puis me présenta au niveau de la réception. J’y trouva une femme superficielle. Elle avait tout de faux : de faux cils, de faux ongles, de faux cheveux. Je la regardai bizarrement sans le vouloir. Elle me demanda alors d’un air arrogant :
-La réceptionniste : Je peux vous aider ?
-Moi : Oui, je suis Mme Cissé et j’ai rendez-vous avec Me Mohamed Diop.
-La réceptionniste : Ok ! Asseyez-vous, le temps que je le prévienne !
-Moi : OK !
Elle revint vers moi deux minutes plus tard, me demandant de la suivre et me montra du doigt le bureau de Mohamed. Je frappai puis entra timidement. Son bureau était énorme. Il avait un coin salon avec de beaux fauteuils.il avait des étagères en verre remplis de documents. Sa table de bureau n’en parlons pas, elle était pleine à craquer. Je me demandai comment il arrivait à se retrouver. Mais c’était rassurant d’un côté. S’il a autant de dossiers c’est que ça veut dire qu’il est très brillant.
Il me demanda de me mettre à l’aise avant d’entamer la discussion :
-Mohamed : Je peux te tutoyer ?
-Moi : Oui naturellement.
-Mohamed : J’espère que le moral est bon. J’ai eu le temps d’échanger un peu avec les inspecteurs de police, et comme vous vous en doutez tous, tu es leur suspect numéro 1. Ils vont certainement monter un dossier à déposer au procureur alors je voudrai que tu me racontes tout. Comment vous vous êtes connus, comment était votre relation, et stp ne cache rien qui pourra se retourner contre toi lors d’un procès. Parle-moi de ta relation avec Souleymane. Je sais que ce n’est pas facile pour toi, mais ce sera nécessaire pour mettre toutes les chances de notre côté.
-Moi : Je comprends. Bon commençons par le début alors…