Chapitre 8

3126 Words
La Clairière s'est remplie de sorcières et de leurs familles, ainsi que des dieux qui arrivent un par un. C'est du moins ce que m'affirme Méroé. Moi, je ne perçois que les échos de l'extérieur, depuis la grande pièce bans laquelle je me trouve. Circé la Grande et Médée la Jeune m'ont réservé cette salle pour mr préparer en compagnie de mes sœurs er d'Athéna. Je n'aurais le droit d'en sortir que lorsque la cérémonie débutera, dans une ou deux heures, je ne sais plus. Je me sens déconnectée de tout ici, à l'abri des regards. Le répétitif et puissant des battements de mon cœur n'a pas cessé depuis que j'ai ouvert les yeux. Je parle peu, je laisse faire les autres. J'ai juste hâte d'être demain matin, lorsque toute cette mascarade sera terminée. -Qu'en penses-tu ? Je lève les yeux sur Athéna qui m'expose une pièce tissée grenat si fine que l'on voit au travers. La déesse aux yeux pers a tout de la divinité sur laquelle n'importe qui pourrait aveuglément se reposer. Elle m'inspire la droiture, la loyauté et la bienveillance sans aucun doute possible. Ses longs cheveux bruns sont rassemblés en un chignon lâche, elle porte un péplos orné de petites plumes blanches ou tachetées qui rappellent sa chouette fétiche. Une pelisse recouvre ses épaules, épinglée par une tête de gorgone en or. -C'est magnifique, ne puis-je que dire devant son travail. Elle me sourit et dépose la pièce sur le lit. -Le voile sera mis en dernier et sera la première chose que Deimos retirera, m'indique-t-elle en croisant les bras pour m'inspecter. Il faut dire que j'ai eu droit à une préparation de compétition : un bain rituel dans une eau purifiée par ses soins, puis un massage à l'huile de rose, et enfin un deuxième bain mais cette fois-ci avec un savon à l'olive. Après ces ablutions, j'ai pu choisir la crème à la lavande que mes sœurs m'ont achetée avant d'enfiler une robe de lin blanc, tenue par deux broches, fermées sur les épaules. Circé s'est occupée elle-même de mes cheveux : des nattes et des ondulations, maintenues par un tour de tête, créent un chignon volumineux et complexe à l'arrière. Je me demande si j'arriverai à défaire tout ça moi-même. Et autant le dire, je ne fais pas du tout confiance à Deimos pour s'en charger ! -Il ne manque plus que la ceinture d'Aphrodite, et nous en aurons fini pour notre part, conclut Athéna avec un sourire adorable. Deux petits coups à la porte retentissent à la fin de sa phrase. -Aphrodite vient d'arriver, indique la voix d'Hermès, de l'autre côté du battant. -Quand on parle du loup, commente Athéna avec un clin d’œil. Elle ne cache pas le léger agacement que le nom de sa rivale éveille en elle. Athéna et Aphrodite, c'est un peu la raison contre le cœur. La pense contre la passion. Tout ne peut que les séparer. Ça a même déclenché les pires conflits du monde. Athéna nous laisse donc et sort. Mes sœurs, plutôt silencieuses jusque-là, s'approchent de moi, dans leurs magnifiques robes parme pour l'une et émeraude pour l'autre, toutes deux brodées de motifs floraux multicolores. -À nous de te faire un cadeau qui te servira ce soir, me dit Circé en sortant de son minuscule sac une petite lame. Elle s'entaille le creux de la paume, Méroé l'imite immédiatement derrière. Elles se donnent ensuite la main et serrent leur poignée jusqu'à ce qu'une goute de sang en tombe. Je m'attends à ce qu'elle finisse sur le plancher, mais la goutte reste suspendue dans les airs. Elle grossit d'une seconde larme rouge, puis d'une troisième. Mes sœurs reprennent leurs mains, les incises se refermant au même instant. La goutte, elle, se solidifie tout en conservant l'aspect brillant du liquid de vie. Mes sœurs la manipulent sans la toucher. Elles font apparaître une chaîne si mince qu'il est difficile de distinguer de quel métal elle est constituée. Elle attrape la goutte comme un pendentif et s'enroule autour de mon cou. Circé et Méroé posent leur front contre le mien et nous nous enlaçons toutes les trois. -Nous te cédons une part de nous, murmurent-elles, chacune à l'une de mes oreilles. Pour te protéger, tu auras trois sorts. De toutes menaces, tu viendras à bout. Et aucun mal ne pourra te faire de tort. Je les serre dans mes bras, touchée. Une douce chaleur me réchauffe le ventre. -Merci. Malgré le contexte, je ne me suis jamais sentie aussi proche de mes sœurs. Nous avons enfin un but commun. Elles me relâchent mais restent près de moi. -Tu n'auras rien à craindre ce soir, me rassure Circé. Cette Stilla est un objet magique très puissant. Les dieux en ignorent tout. -Tu n'auras qu'à la garder dans ta main, poursuit Méroé. Dès que tu te sentiras menacée par Deimos, pense au sort que tu aimerais jeter. -La Stilla se chargera de lui faire croire tout ce que tu désires. Demande-lui que Deimos soit persuadé que le mariage a été consommé et ça suffira à te protéger. J'acquiesce, tellement rassurée d'avoir ce pendentif avec moi ! -Et si jamais tu n'y arrives pas, tu hurles, ajoute Méroé. Nous, on débarque, et on lui colle la raclée de sa vie. Elles parviennent à m'arracher un sourireavant le retour d'Athéna. La déesse referme derrière elle, un coffret sous les bras. -Le présent d'Aphrodite. Elle l'ouvre sous mes yeux et dévoile une ceinture faite de disques en bronze doré, liés les uns aux autres. Des pommes et des roses sont finement ciselées sur chacun d'entre eux. Athéna refourgue le coffret dans les bras de Méroé et saisit l'objet de parure pour me le mettre. -Elle symbolise ta virginité. Seul Deimos pourra te l'enlever, elle aussi. Ça, ce n'est pas près d'arriver. -Joli pendentif, remarque-t-elle rapidement. -Un cadeau de mes sœurs. J'espère que je ne réponds pas trop vite, au risque de me trahir. -Je peux me dégourdir les jambes dans la maison ? En attendant la cérémonie. -Oui, répond Athéna sans méfiance. Mon père ne devrait plus tarder. J'adresse un signe à mes sœurs et sors enfin de la pièce. J'avais dans l'idée de dévaler l'escalier à toute vitesse, mais avec ma coiffure et ma robe, je préfère y aller doucement. Ce n'est qu'une fois dans le hall que le soleil bas me frappe. Il est si tard déjà ! La maison est presque vide, tout le monde se trouve à l'extérieur. Je me dirige donc vers la cuisine, espérant rencontrer Zelda, mais l'endroit est propre. Curieusement. Zelda a dû transférer le gros de sa production dehors. Cette cuisine vidée de ses senteurs et de son bazar habituel me déprimerait presque. Heureusement, la porte est grande ouverte sur l'automne et le brouhaha des voix lointaines. Je m'appuie contre l'encadrement et prends le temps de respirer. , mon cœur n'a pas cessé de frapper ma poitrine et mes tempes. Je n'ai eu aucune nouvelle de Deimos à la suite de ma fuite. Je ne sais pas comment il l'a prise, ni ce qu'il pense de moi à présent. J'aimerais pouvoir lui parler encore une fois avant la cérémonie, mais c'est trop tard. Pour lui dire quoi, de toute façon ? Qu'il n'a plus à craindre de rejet, que je suis résolue à l'épouser ? J'étais rassurée de savoir que l'entière communauté ne connaissait pas forcément le véritable but de ce mariage, mais en vérité, c'est moi qui vais avoir le plus de mal à lui mentir. -Faire reposer la paix sur Deimos, je ne sais pas à quoi ton père pensait. Le nom de mon promis et le ton inquiet attirent aussitôt mon attention. Sans oser mettre un pied dehors, de peur de décevoir Athéna, je me penche sur le côté. Un couple s'est isolé dans le jardin aromatique. L'homme est très grand et très musclé. Il ressemble beaucoup à Deimos, avec son teint sable blanc et ses cheveux blonds, la seule différence étant qu'ils sont coupés très courts. Il est vêtu d'un costume antique rouge, retenu sur l'épaule gauche et qui dévoile une partie impressionnante de sa musculature : des pectoraux larges, des bras épais, le tout strié de cicatrices... C'est un dieu physique sans l'ombre d'un doute ! Il fait une de ces têtes en plus... vraiment comme Deimos : grincheuse. La présence à côté de lui, celle qui a parlé et qui croise les bras, visiblement angoissée, me confirme l'identité des deux personnes : Arès, dieu de la guerre, et Aphrodite, déesse de l'amour et du désir. Et elle est somptueuse, je dois bien le reconnaître. Sa peau est d'un caramel des plus suaves, sa chevelure volumineuse et noire retombe librement dans son dos et sur ses fines épaules. Seul un bandeau piqué de pierre précieuses dégage son front et son visage d'un charme absolu. Elle a de grands yeux noirs et une bouche d'un rouge éclatant. Ses formes sont pourtant loin des canons de beauté contemporains : elle a la taille fine, certes, mais des hanches pleines et une volupté toute en rondeurs. Et bon sang pourquoi je la mate à ce point ? Je me redresse pour détourner les yeux, le cœur battant encore plus fort. Voilà qu'Aphrodite parvient à me troubler, même de loin ! Même vêtue d'un péplos léger et blanc. -Depuis la fin de cette guerre contre Hécate, Deimos est le jouet de mon père, grogne Arès. Il ne fait que lui obéir. -Il a déchiré notre famille, et voilà qu'il se compromet dans cette union afin de plaire à Zeus ! Le ton d'Aphrodite a monté et je perçois les d'Arès qui doit craindre d'être surpris. Je hasarde un nouveau coup d’œil. Le dieu de la guerre a pris son épouse dans ses bras alors qu'elle semble encore bien tendue. Il lui caresse la nuque, le menton posé sur le sommet de sa tête. Ils ont quelque chose d'adorable tous les deux, à se soutenir de la sorte. Je ne comprends pas vraiment ce qu'ils peuvent bien reprocher à leur fils, mais ils ont l'air soudés. -Ce qu'il a fait à son propre frère... -Allons, ma Nymphia, ne ressasse pas tout cela. Pas ici. De quoi parlent-ils ? Ils m'interpellaient jusque-là, mais à présent, ils m'inquiètent. Qu'a bien pu faire Deimos à l'un de ses frères ? Quelque chose de grave au point de l'éloigner de sa famille ? Mis au service de Zeus ? Il m'a dit qu'il était redevable au maître des dieux, est-ce que ça a un lien ? Ses parents ont l'air de lui reprocher beaucoup, au point d'utiliser le mot . Que s'est-il passé ? -Que fait-tu ? Je sursaute. Harmonie se tient juste derrière moi. Une main sur le cœur, je m'extrais de mon point d’observation pour la contourner prudemment. Surtout, ne pas la taquiner, ne pas l'affoler. Harmonie me toise sans expression, le corps engoncé dans une robe fourreau en peau de serpent. -Rien, je prends l'air, dis-je avec sourire. -Je suis contente que tu deviennes ma belle-sœur. J'avais déjà Psyché, l'épouse d'Éros, mais elle est trop heureuse pour moi. OK. Donc, pour Harmonie aussi, le bonheur c'est nul. En revanche, ça signifie que je n'inspire pas moi-même le bonheur. Il ne faut pas que je paraisse trop tourmentée aujourd'hui. Je dois me détendre et donner l'impression que cette alliance me satisfait complètement. -Je suis surtout nerveuse, dis-je alors. Comme toutes les mariées lors du grand jour. -Il y a de quoi, tu vas entrer dans la maison d'Héra et de Zeus, d'Aphrodite et d'Arès. J'acquiesce sans perdre mon sourire. Je connais déjà le pedigree de mon si gentil fiancé ! Merci Harmonie de remettre une couche de pression ! -Eh bien je suis ravie que tu sois là. Tout le monde s'est réuni dehors, tu devrais rejoindre les autres invités. Je ne peux pas faire plus poli et plus neutre pour l'inviter à me laisser tranquille. Mais Harmonie ne me lâche pas du regard, tout en jouant avec les grosses perles dorées de son collier. -Il manque... Zeus. Elle hoquette au milieu de sa phrase et son regard me fuit le temps que le nom du maître des dieux franchisse ses lèvres. Je n'arrive pas à savoir si c'est par respect, par crainte ou par haine. Et comme le hasard fait bien les choses, le grondement du tonnerre à l'extérieur annonce son approche. Harmonie tend ses bras le long du corps et serre les poings. -Ne reste jamais seule avec lui, murmure-t-elle. Et elle file. La sœur de Deimos me fait peur, c'est un fait. Elle est imprévisible et brutale. Mais qu'a-t-elle bien pu vivre pour devenir ainsi ? Son affection pour ses frères a l'air sincère. -Ella ! m'appelle Athéna, talonnée par mes deux sœurs. Elle déplie le voile tissé par ses soins et s'approche de moi. On dirait une chasseuse munie d'un filet, prête à bondir pour capturer sa proie. Je me laisse faire. Ma belle-famille a l'air ravagée par les secrets et les blessures, alors que la mienne est là, en soutien total. Le voile retombe autour de moi, jusqu'à la taille, aussi léger qu'une plume. Tout devient rouge. La déesse m'attrape la main et me guide en dehors de la maison, mes sœurs à mes côtés. * Je ne sais pas pourquoi, je pense à mon père. J'écoute à peine Héra, debout derrière un autel en marbre apporté par les dieux, vêtue d'une robe à plumes de paon spectaculaire et coiffée d'un diadème luxueux. Elle alimente un feu dans une coupe de bronze épais en y déposant des fleurs et des herbes. Sa voix est perçante, mais elle me paraît éthérée. Zeus se tient près d’elle, dans sa tunique immaculée, sa chevelure électrique couronnée de lauriers d'or, tout en laissant à sa femme le devant de la scène. La Clairière est parsemée de fleurs alors que l'automne bat son plein. Des lumières virevoltent au-dessus de nous, des pétales tombent lentement du ciel, l'assemblée est attentive dans la lumière orangée, presque rose, du soleil couchant. Tout est somptueux et coloré. Moi, je pense à mon père. Et je me souviens pourquoi. Il avait lâché un jour une phrase qui m'est restée alors qu'elle me semblait banale à l'époque. Il se réjouissait de pouvoir un jour assister aux cérémonies qui jalonneraient ma vie. Sans dons, je n'avais plus qu'à me projeter dans un futur qui suivrait ses coutumes à lui, celles des humains. Il me parlait de , , ... Des paroles un peu en l'air mais qui me rapprochaient de lui et le faisaient sourire. Les sorcières ne se marient pas. Habituellement. Elles se mettent en couple, avec une femme ou un homme, mais sans jamais se lier devant une quelconque autorité. Les hommes étant bannis de la Clairière, ils sont essentiellement présents dans la vie des sorcières pour la procréation, même si les sentiments s'en mêlent. Ma mère a aimé mon père, mais jamais elle ne l'a impliqué dans ses affaires. Il savait à peine ce que faisaient Circé et Méroé ici, lorsqu'elles suivaient leur initiation. Même moi, alors que je n'avais aucune raison de m'y trouver, j'y étais. Seule. J'aurais pu passer tellement plus de temps avec lui. Je me demande encore si les sorcières ne jouent pas avec la volonté des pères. Sont-ils tous conscients de notre véritable nature ? Après tout, Circé la Première a gardé Ulysse une année entière auprès d'elle, sans qu'il s'aperçoive du temps qui passait. -Donnez votre main. La voix s'est rapprochée, Héra se tient à présent devant nous, un long bandeau entre les mains. J'avais si bien évité la présence à côté de moi que je suis presque étonnée de la taille de Deimos quand je me tourne vers lui. Rhapso lui a conçu une tunique grecque longue, d'un noir profond, parcourue de broderies végétales au fil d'or. Elle peut être fière de son ouvrage, il est somptueux. Alors que je reste immobile, oubliant la consigne d'Héra, le regard perdu dans les méandres des feuillages qui s'étendent sur le corps de mon promis, Deimos me prend la main. Je tressaille, surprise par la chaleur de sa peau. Nos doigts enlacent le poignet de l'autre. Mon cœur bat si vite et si fort que je suis certaine qu'il perçoit mon pouls sans mal. Je m'attends à sentir le sien, maids rien n'ébranle sa veine. Jusqu’à ce qu'un battement pulse, fort et lent. C'est vrai que leur cœur bat beaucoup plus posément que celui des mortels. Un long moment passe avant qu'un second fasse frémir sa peau contre la mienne. Je n'ai pas écouté Héra, encore une fois. Aussi, lorsqu'elle enroule le bandeau autour de nos poignets, je suis à nouveau prise de court. Je lève les yeux sur Deimos, son regard dépareillé transperce mon voile. -Comme Gaïa et Ouranos, je vous unis, Ella et Deimos. Que Hestia au feu sacré bénisse votre foyer, qu'Eiréné instaure la paix dans votre foyer, que Rhéa remplisse d'enfants votre foyer. Héra pose ses mains sur les nôtres et je vois apparaître son sourire plein de bienveillance. -Il est des promesses faites pour l'éternité. Ce lien vous unit sans être noué. Promettez que vous le respectez sans contraindre l'autre, que vous vous protégerez et resterez fidèles à ces vœux. -Je le promets, dit Deimos sans hésitation. Promettre pour l'éternité... Mon estomac se noue douloureusement. Je me répète que Deimos n'est qu'une entité, une incarnation terrible. Mais je ne parviens pas à me diver sereinement le tête. -Je le promets, soufflé-je, remerciant Hécate d'être voilée. Héra retire le bandeau alors que l'assemblée applaudit. J'espère que c'est terminé, mais même sans le bandeau, Deimos garde ma main dans la sienne. Héra lui tend alors un anneau qu'il glisse à mon index gauche. Je ne savais pas qu'on échangerait des alliances... Je n'en ai pas pour lui, Circé la Grande et Médée la Jeune ne m'en ont jamais parlé ! Apparemment Deimos n'en attend pas en retour puisqu'il me relâche et se détourne de moi. Je glisse ma main sous mon voile pour le regarder de plus près. Je ne sais pas en quoi cet anneau est fait, mais il est si lourd, d'un noir dense, saupoudré d'une poussière brillante. Je n'en avais jamais vu de tel. Quel peut bien être sa signification ? Dois-je vraiment me torturer pour en trouver une ? J'ai passé le cap de la cérémonie. J'ai une mission à mener, une fête à laquelle participer, des invités étranges à rencontrer, autant ne pas m'appesantir sur tous ces gestes et toutes ces paroles que nous venons d'échanger.
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