5. Soleil et lune (version longue)

1401 Words
5. Soleil et lune(Version longue) Deux orphelins, frère et sœur, vivaient avec leur grand-mère. Le garçon, Aningaat, était aveugle. Un jour, le village déménagea, les laissant seuls tous les trois. Ils vivaient dans une maison qarmmaq (de pierre, os et gazon), isolée du froid mais pas très confortable. Ils avaient un chien. Un jour, un ours polaire s’amena. Leur chien les alerta. L’aveugle avait un arc et des flèches. La vieille lui tendit l’arc et, réglant le tir, visa à sa place l’ours. Elle dit : – Tire ! L’aveugle tira. La vieille dit : -Tu as atteint le cadre de la fenêtre. L’aveugle répondit : – Je suis sûr d’avoir entendu le bruit que fait un animal blessé. Il avait bien entendu la flèche frapper l’ours, et le bruit de la bête blessée tombant par terre. La vieille ordonna à sa petite-fille de sortir voir si l’ours était bien mort. Elle lui dit de commencer prudemment par lui lancer une petite boule de neige. La fille sortit, vit l’ours qui avait glissé en arrière sur le seuil. Elle comprit que la bête était blessée. Non sans quelque frayeur, elle lui lança une boule de neige sur la croupe. L’ours ne bougea pas. La fille rentra et instruisit sa grand-mère du résultat de sa mission. La vieille lui ordonna de ressortir, et cette fois, de lui donner un coup de pied au c*l. La fille sortit et lança une ruade sur les fesses de l’ours. Celui-ci ne bougea pas. Apprenant cela, la grand-mère déclara : – L’ours est mort. La vieille prit donc son couteau rond de femme ulu, l’aiguisa. Elles sortirent. La vieille écorcha et équarrit le fauve. Elle dit à sa petite-fille d’étrangler le chien, leur unique chien, cette brave bête qui les avait prévenus de l’arrivée de l’ours. Le chien fut transformé en viande de boucherie. Le garçon, qui avait pourtant tué l’ours, fut confiné dans le vestibule glacé de la maison. On lui fit manger du chien, tandis que la vieille et la fille se nourrissaient de viande ursine. La fille éprouvait de la compassion pour son frère, réduit à se nourrir de carne de cabot. Sa grand-mère lui avait interdit de donner à son frère de la viande d’ours. Elle lui en donnait quand même en cachette, chaque fois qu’elle le pouvait. Quand la vieille et la petite fille dînaient, la petite piquait un petit morceau de viande et le cachait dans sa manche. Chaque fois que la petite en redemandait, la grand-mère lui répondait : – Tu sembles manger bien vite. N’irais-tu pas en donner à ton frère ? La petite se récriait : – Pas le moins du monde ! C’est qu’elle avait très faim. Par cette supercherie, la sœur parvenait à filer furtivement, à son frère, de la viande d’ours. Un jour Aningaat interrogea sa sœur : – Les lacs sont-ils toujours désertés par les plongeons à gorge rouge ? Elle répondait : – Oui. La neige se mettait à fondre, laissant apparaître la terre. Derechef, le frère questionna : – Les lacs sont-ils toujours sans plongeons ? Cette fois, la sœur répondit : – Non ! Les lacs sont maintenant hantés par les plongeons. L’aveugle demanda à sa sœur de l’emmener à un lac, et lui dit, avant de l’y laisser, de marquer le chemin de retour à la maison avec des pierres, bornes bien rapprochées, afin qu’il puisse rentrer seul. Elle emmena donc Aningaat au lac sur lequel nageaient deux plongeons. Elle l’y laissa. Rentrant à la maison, elle marqua le chemin avec des pierres, comme son frère l’avait demandé. Aningaat pouvait entendre les plongeons sur le lac. Ensuite il entendit le bruit d’un qajaq juste en face de lui, accompagnant les cris des plongeons. Il entendit quelqu’un qui lui ordonnait de grimper dans le qajaq. Guidé par la voix, il se fraya un chemin jusqu’au rivage. Quand il fut dans le qajaq, on lui dit de se coucher sur le ventre à la poupe. Il obéit. Il entendit qu’on pagayait vers le milieu du lac. Alors, on le fit plonger. Ils restèrent sous l’eau un certain temps, puis émergèrent pour respirer. Une fois sa respiration redevenue normale, ils se remirent à pagayer dans le lac. Encore un plongeon. Cette fois, ils restèrent plus longtemps dans l’eau. Il étouffait quand on le ramena à la surface et on l’interrogea : – Tu ne peux rien voir ? – Non, je ne peux pas voir, mais je commence à voir quelque chose qui brille dans mes yeux. Alors, ils firent encore un plongeon qui dura encore plus longtemps. Il étouffait. Quand ils firent surface, la voix lui demanda : – Ne peux-tu pas voir un peu plus ? – Je commence à voir terre. L’étranger lécha alors les yeux de l’aveugle. Celui-ci nota que la langue de l’étranger était très rêche, si rêche qu’il crut qu’elle allait lui couper les yeux. Derechef, Aningaat fut replongé. À moitié mort, asphyxié, il fut remonté à la surface. – Tu ne peux toujours pas voir ? demanda la voix. – Si, je peux voir terre là-bas. L’étranger lécha de nouveau les yeux d’Aningaat. Ils replongèrent dans le lac. Ayant refait surface, l’étranger redemanda : – Ne peux-tu pas voir l’herbe au sommet de la colline ? – Si ! je peux voir un peu d’herbe mais floue. Une fois de plus, ils plongèrent. Cette fois encore plus longtemps. Aningaat était quasiment asphyxié quand ils refirent surface. Ses yeux furent re-re-léchés. L’étranger lui re-re-demanda : – Ne peux-tu toujours pas voir l’herbe à la cime de la colline ? – Si ! si ! je vois l’herbe ! Il pouvait même voir l’herbe se courbant sous la brise. Il pouvait voir très loin. Prêt à être ramené au rivage. Une fois qu’ils furent revenus au rivage, l’étranger dit à Aningaat de ne pas regarder en arrière vers lui tant qu’il n’aurait pas disparu avec son qajaq. Mais, tandis que Aningaat entendait l’étranger pagayer en s’éloignant, il jeta un rapide coup d’œil à la dérobée et il put voir que l’étranger avait un dos sans peau. Dès qu’il vit cela, il eut très peur et détourna son regard. Aningaat rentra à la maison grâce aux marques que sa sœur avait alignées pour indiquer le chemin. Coupant un bout de cuir en haut de ses bottes, il s’en fit une fronde. Tout en rentrant à la maison, il passait du temps à tirer des cailloux sur les sternes. Arrivé au qarmmaq, il interrogea sa grand-mère : – À qui est cette peau d’ours que je vois là-dehors ? Et qu’est-ce que cette peau de chien ? La grand-mère mentit : – Des gens venus en umiaq (barque de femmes) me les ont données. Aningaat se fabriqua un harpon. À cette époque, les baleines blanches passaient près des côtes. Aningaat était capable de harponner ces baleines quand il était jeune. Aningaat et sa sœur pouvaient dès lors se procurer de la nourriture pour eux-mêmes. Ils en donnaient à leur grand-mère juste de quoi ne pas mourir de faim. Un jour qu’ils allaient chasser la baleine, la grand-mère décida qu’elle pouvait servir à retenir la corde du harpon. Aningaat commença par hésiter. La grand-mère insistait pour que la corde lui entoure la taille. Ils descendirent au rivage près duquel les baleines blanches allaient passer. Ils attachèrent la corde du harpon à la taille de la grand-mère. Une b***e de baleines passait. La grand-mère cria : – Harponne le jeune ! Aningaat feignit de viser le jeune. En réalité, il harponna un gros adulte qui nageait derrière le jeune. Une fois harponnée, la grosse baleine se mit à fuir, entraînant la grand-mère dans la mer. Elle fut entraînée sous la surface. Elle émergea puis replongea et finit par se noyer. Avant de mourir, elle fit une dernière fois surface en se tordant la chevelure, qui se transforma en une dent longue et spiralée. C’est de là que proviennent les narvals. Ayant perdu leur grand-mère, Aningaat et sa sœur cherchèrent de la compagnie. Ils voyagèrent, campant de-ci de-là. Aningaat attrapait des caribous de temps à autre. Ils arrivèrent à un campement. C’était l’hiver. Aningaat construisit un igloo. Avant d’avoir terminé de placer les derniers blocs de neige glacée, il eut très soif. Il demanda à sa sœur d’aller lui chercher de l’eau à boire. Elle se présenta à l’entrée d’un des igloos et demanda de l’eau. Elle fut chaleureusement accueillie. Quelqu’un à l’intérieur lui dit d’entrer dans l’igloo à reculons en portant son broc, avec le pan de son parka relevé. Comme elle pénétrait dans l’igloo de cette façon, les gens qui étaient à l’intérieur lui sautèrent dessus et se mirent à lui griffer le dos et les fesses. Elle hurla : – Aningaat ! Au secours ! Aningaat qui travaillait tout près entendit les cris de sa sœur alarmée. Il se précipita dans l’igloo où sa sœur était entrée, arracha sa fenêtre faite de boyaux de bêtes à l’aide de son long harpon. Avec cette arme il se mit à frapper les gens de l’igloo, qui durent lâcher sa sœur. Il en tua, il en blessa d’autres. Aningaat ramena sa sœur dans son igloo. Il pissa sur ses blessures afin de les guérir. Ils s’en allèrent. Aningaat portait sa sœur sur son dos et, de temps en temps, il la soignait en urinant sur ses plaies. Aningaat devint la lune et sa sœur devint le soleil.
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