- Assieds-toi, Daisy ! L’enjoignit Jed avec son sourire de séducteur.
Scrutant le luxueux bureau au décor très moderne, Daisy se dirigea vers le fauteuil de cuir blanc crème qu’il lui désignait. Jed, arrêté près de son bureau, la scrutait avec une curiosité non cachée.
Elle avait choisi un lieu neutre, ce bureau, et qui lui était inconnu parce qu’elle pourrait se sentit plus à l’aise que dans un restaurant ou chez elle. Ici, ils étaient dans son domaine. Mais, surtout, ils étaient à l’abri des regards et d’oreille indiscrets.
- Tu veux boire quelque chose ? Lui demanda-t-il.
- Non, merci.
Il alla s’asseoir dans son fauteuil en cuir noir derrière la table de verre de son bureau, et se mit à l’observer. Elle rangea nerveusement une mèche de ses extensions derrière l’oreille.
- Cela fait quoi ? Dix ans, dit-il l’air ravi. Mais tu es toujours aussi belle, Daisy.
- Pas plus que toutes celles avec qui tu as l’habitude de sortir. Mais, merci.
- Ne dit pas de bêtises, tu es superbe. Mais dis-moi, qu’est-ce que tu deviens ? Aux dernières nouvelles, tu avais quitté la ville.
- En effet. Je suis allée vivre en Californie, plus précisément à Los Angeles pendant quelques années, mais je suis rentrée il y a quelque temps. Il y a presque six mois en fait. J’ai ouvert une libraire-salon de thé dans le centre-ville du nom de Sweet Dreams. C’est un petit endroit très charmant et il est à moi.
- Une libraire-salon de thé ? Répéta-t-il perplexe, un sourcil relevé. Qu’est-ce que sait ?
Daisy eut un sourire en pensant au petit bâtiment qui abritait son lieu de travail.
- Comme son nom l’indique, c’est une librairie qui abrite également un salon de thé. Un endroit où les gens peuvent s’ils veulent lire en buvant du thé ou du café en mangeant une pâtisserie faite maison. Ou simplement manger des pâtisseries en buvant toutes sortes de thé.
- Cela m’a l’air intéressant ! Dit-il l’air peu emballé. Et bien ! Tu ne sembles pas avoir chômée toutes ses années. Mais dis-moi qu’est-ce qui t’amènes ici ?
Il lui jeta un regard assez scrutateur. Elle s’imaginait bien à quoi il pouvait penser. Qu’elle sera là pour lui demander du travail ou de l’argent, mais il était loin de s’imaginer que sa vie allait changer dans un instant.
Elle inspira grandement popur se donner du courage.
Et voilà, elle y était ! Elle ne pouvait plus rebrousser chemin. Se raclant la gorge, elle se tint droit et fixa Jed droit dans les yeux.
- Jed, si je suis là aujourd’hui dans ton bureau après autant d’années au cours desquelles on ne s’est pas revu ni parler c’est pour te dire une chose très importante. Une chose que j’aurais due te dire il y a des années déjà et que par lâcheté et faiblesse, j’ai préféré taire. Cela risque de chambouler ta vie. Une chose que je t’ai prise et t’ai caché pendant trop longtemps. J’espère vraiment que tu ne m’en voudras pas, termina-t-elle d’une voix entrecoupée.
Combien de fois s’était-elle ressassée cet instant dans la tête, cherchant les mots adéquats pour dire la vérité à Jed et anticipant chacune des paroles qui pourraient être prononcées ? Des dizaines, des centaines… des milliers de fois sans doute.
Daisy n’avait aucune envie de tourner autour du pot. Pas après dix ans. C’est un peu comme avec du scotch. Il faut l’ôter un coup même si ça n’empêche pas de faire mal. Elle soupira, le cœur battant à la chamade, observant Jed qui la scrutait surpris.
- Il y a dix ans après mon départ de Portland pour Los Angeles, j’ai appris que j’étais enceinte. Enceinte de toi, Jed. Maintenant, nous avons un fils.
Elle avait parlé d’un trait sans se démonter et sans respirer.
Le visage de Jed se décomposa après ses mots. Il ouvrit grands les yeux, son teint était devenu soudain très pâle. Il ouvrit la bouche puis la referma à plusieurs reprises avant de pouvoir enfin parler.
- De… quoi… parles-tu, Daisy ? Bégaya-t-il presque. C’est une blague, c’est ça ?
- Absolument pas, Jed, dit-elle d’une voix claire et sûre. C’est la vérité. Tu as un enfant.
Fouillant dans son sac à main, elle sortit la photo de Lukas.
- Il s’appelle Lukas et il vient d’avoir neuf ans. C’est ton fils. Notre fils, Jed.
Il eut un autre silence. Jed toujours blême, la scrutait, mais sans vraiment la voir. Non, il avait dû mal entendre.
- Attends un moment, tu t’amènes après dix ans et tu me balances comme cela un enfant, dit-il d’une voix où perlait la perplexité ainsi que la colère. C’est bien, ça, Daisy ?
- Je sais que c’est très déstabilisant pour toi d’apprendre une telle nouvelle mais je me devais de te le dire, dit-elle d’une voix étouffée. Je ne mens pas et je ne joue pas, c’est la vérité, Jed. Tu as bien un enfant. Un fils.
Encore sous le choc, Jed se leva en se passant une main sur le visage. Il fit les cents pas puis s’arrêta et resta un bon moment, ainsi, arrêté les yeux fermés, la main droite contre le front, l’air de réfléchir à tout ce qu’elle venait de lui balancer.
Quand à Daisy, elle ne dit rien. Il fallait mieux qu’il assimile toute cette nouvelle. Ce ne devait pas être facile pour lui et elle le comprenait.
- Pourquoi… pourquoi maintenant après toutes ses années ? C’est pour de l’argent.
Daisy poussa un soupir de soulagement plus que de colère par ses propos. Elle s’y attendait de toutes les manières. Que pourrait penser d’autre un homme tel que lui ?
- Je l’ai promis à notre fils de lui faire connaître son père, Jed. Lukas veut juste te rencontrer, te connaître. C’est son droit. Et, je crois que je te devais la vérité que je t’ai que trop longtemps cachée.
Il eut à nouveau un autre silence. Daisy se sentit de plus en plus mal à l’aise. Elle avait dit ce qu’elle avait à dire donc elle n’avait plus à rester. Elle allait retourner à la boutique, lui laisser le temps d’assimiler toute l’histoire et de réfléchir tranquillement à tout cela. Prenant la photo de son fils, elle regarda les traits familiers de l’enfant puis posa le tirage sur la table, en le poussant jusqu’à la place de Jed.
- Jed, écoute ce que je viens de te dire doit vraiment être dur, je sais. Prends-le temps d’assimiler tout ça puis si tu veux on discutera plus amplement. Tient, c’est une photo de notre fils, je te la dépose là. J’ai mis derrière la photo mon contact, l’adresse de ma boutique et de notre maison si tu veux le voir ou le rencontrer ou tout simplement discuter.
Se levant sur ses mots, elle le scruta. Il était toujours aussi livide.
- Je suis désolée, Jed ! Et même si mes excuses sont tardives et impardonnable, je te le dis tout de même. Je suis vraiment désolée, dit-elle avant de quitter la pièce.
Elle fonça à grands pas vers les ascenseurs en priant qu’il ne la suive pas. Elle n’était pas encore prête pour des explications. Il avait besoin de réfléchir et elle de retrouver son calme.
Une fois hors de l’immeuble, elle poussa un grand soupir de lassitude et de soulagement. Levant la tête observa le ciel qui se couvrait.
La rencontre qu’elle craignait, c'était plutôt bien passé. Elle avait enfin pu dire la vérité.
Pauvre Jed ! Il semblait vraiment être sous le trente-cinquième dessous lorsqu’elle l’avait quitté. Elle aurait aimé le réconforter, mais ne le pouvait pas. Et maintenant, elle devait rentrer à la boutique et travailler.
Inspirant et expirant grandement, elle baissa la tête et se dirigea vers sa petite et vieille voiture, qui avait connu des jours meilleurs.