bc

Le feu sous la glace

book_age0+
detail_authorizedAUTHORIZED
0
FOLLOW
1K
READ
like
intro-logo
Blurb

Extrait

| I

Viviane remontait d’un pas alerte le petit sentier de douaniers qui suivait le bord de la falaise. Au-dessous d’elle, une mer paisible caressait de ses vagues paresseuses l’assise de granit dans laquelle, depuis des siècles, elle avait creusé d’étroits couloirs, des grottes, les uns et les autres jamais découverts, fût-ce aux plus basses marées. Une brume légère persistait à l’horizon, comme presque toujours sous ce ciel breton. Mais, autour de la jeune fille, sur l’onde mollement balancée comme sur la lande rude plantée de genêts, s’étendait la claire lumière d’un radieux soleil de mai qui tiédissait l’air vif aux senteurs de varech.

Viviane, sans s’arrêter, consulta sa montre et eut un mouvement de contrariété.

« Déjà dix heures ! murmura-t-elle. Je vais être en retard pour la visite du docteur... Mais, bah ! la cousine peut bien se passer de moi ! » Toutefois, elle pressa le pas, après avoir soigneusement ramené autour de son visage le grand voile blanc qui la protégeait de l’air marin. Un fort joli visage, en vérité : de grands yeux noirs, sous les paupières bordées de longs cils foncés, faisaient encore mieux ressortir l’éblouissante fraîcheur de l’épiderme. Mais, en ce moment, la petite bouche bien modelée avait un pli d’ennui ou d’amertume et les beaux yeux décelaient une irritation mal contenue.

Le sentier tournait, pour rejoindre bientôt un chemin conduisant au manoir de la Ville-Querdec. Un roulement de voiture venait maintenant aux oreilles de Viviane. En un bond souple, la jeune fille sauta sur un petit tertre rocheux. Le chemin lui apparut, encaissé entre deux talus garnis de haies. Un cabriolet s’y engageait à ce moment. Deux hommes s’y trouvaient. Viviane eut un mouvement de satisfaction.

« Bon, voilà seulement le docteur Lebras, pensa-t-elle. Je serai arrivée presque en même temps que lui. Sans doute est-ce son remplaçant qu’il amène à ma cousine pour le lui présenter. » Viviane reprit sa route et, cinq minutes plus tard, par le chemin où l’avait précédée le cabriolet, elle arrivait en vue de la Ville-Querdec, propriété de sa cousine, Mme de Friollet...|

chap-preview
Free preview
I
IViviane remontait d’un pas alerte le petit sentier de douaniers qui suivait le bord de la falaise. Au-dessous d’elle, une mer paisible caressait de ses vagues paresseuses l’assise de granit dans laquelle, depuis des siècles, elle avait creusé d’étroits couloirs, des grottes, les uns et les autres jamais découverts, fût-ce aux plus basses marées. Une brume légère persistait à l’horizon, comme presque toujours sous ce ciel breton. Mais, autour de la jeune fille, sur l’onde mollement balancée comme sur la lande rude plantée de genêts, s’étendait la claire lumière d’un radieux soleil de mai qui tiédissait l’air vif aux senteurs de varech. Viviane, sans s’arrêter, consulta sa montre et eut un mouvement de contrariété. « Déjà dix heures ! murmura-t-elle. Je vais être en retard pour la visite du docteur... Mais, bah ! la cousine peut bien se passer de moi ! » Toutefois, elle pressa le pas, après avoir soigneusement ramené autour de son visage le grand voile blanc qui la protégeait de l’air marin. Un fort joli visage, en vérité : de grands yeux noirs, sous les paupières bordées de longs cils foncés, faisaient encore mieux ressortir l’éblouissante fraîcheur de l’épiderme. Mais, en ce moment, la petite bouche bien modelée avait un pli d’ennui ou d’amertume et les beaux yeux décelaient une irritation mal contenue. Le sentier tournait, pour rejoindre bientôt un chemin conduisant au manoir de la Ville-Querdec. Un roulement de voiture venait maintenant aux oreilles de Viviane. En un bond souple, la jeune fille sauta sur un petit tertre rocheux. Le chemin lui apparut, encaissé entre deux talus garnis de haies. Un cabriolet s’y engageait à ce moment. Deux hommes s’y trouvaient. Viviane eut un mouvement de satisfaction. « Bon, voilà seulement le docteur Lebras, pensa-t-elle. Je serai arrivée presque en même temps que lui. Sans doute est-ce son remplaçant qu’il amène à ma cousine pour le lui présenter. » Viviane reprit sa route et, cinq minutes plus tard, par le chemin où l’avait précédée le cabriolet, elle arrivait en vue de la Ville-Querdec, propriété de sa cousine, Mme de Friollet. Une barrière de bois verni fermait la cour, bordée à droite par les communs, à gauche par une ancienne chapelle transformée en pigeonnier. Au fond, se dressait le logis, bâtiment assez ancien, mais sans caractère, bien entretenu, car Mme de Friollet avait de la fortune. Par une petite porte vitrée, Viviane entra directement dans la salle à manger, qu’elle traversa pour gagner le salon qui ouvrait sur le jardin. La grosse voix du docteur Lebras parvint à ses oreilles par une des portes-fenêtres ouvertes. Viviane enleva rapidement son voile, son chapeau qu’elle jeta au passage sur un siège, et descendit l’unique marche conduisant au jardin. Mme de Friollet avait fait dresser, à quelques pas du logis, une tente où elle passait plusieurs heures chaque jour. Elle atteignait soixante-dix ans et, toute sa vie, elle avait été à la fois une mondaine et une malade imaginaire. Nulle, mieux qu’elle, ne savait combiner les distractions avec les soins, les ménagements prétendus imposés par sa santé. Nulle ne possédait mieux l’art de se faire entourer, cajoler, servir avec un apparent dévouement par des courtisans de sa fortune. Elle n’avait pas d’enfants ni de neveux, sinon par alliance ; Viviane de Coëtbray était sa parente la plus proche. Elle l’avait fait venir de Paris, l’automne précédent, pour lui tenir compagnie et l’aider à recevoir dans son hôtel de Vannes, pendant l’hiver, et ensuite à la Ville-Querdec, près d’Arradon, où elle s’installait dès le mois de mai. En ce moment, elle était étendue sur une chaise longue, abritée du soleil par la tente rayée de rouge. Le vieux docteur Lebras, assis près d’elle, tenait entre ses doigts le mince poignet entouré d’un étroit bracelet en mailles d’or. À quelques pas de lui, dans un fauteuil rustique, se trouvait un jeune homme à qui s’adressait Mme de Friollet, au moment où Viviane franchissait le seuil du salon. – Je ne doute pas, docteur, que nous nous entendions fort bien. Je suis une malade docile. Viviane, en entendant ces mots, ne put retenir un petit sourire d’ironie. À cet instant, son pas fit grincer légèrement le gravier du sol. Les deux hommes tournèrent la tête et se levèrent. – Ah ! te voilà, Viviane ! Tu as oublié quelque peu l’heure, chère petite, dit la vieille dame sur un ton d’aimable reproche. – Je vous prie de m’excuser, ma cousine. La faute en est surtout à cette matinée délicieuse. Tout en parlant, Viviane répondait avec une grâce discrète au salut des deux médecins. – Permettez-moi, mademoiselle, de vous présenter mon jeune confrère, le docteur Clenmare, dit le docteur Lebras avec sa cordiale bonhomie accoutumée. Comme je l’ai déjà affirmé à Mme de Friollet, elle peut avoir toute confiance en lui, car je l’ai vu à l’œuvre et je soupçonne déjà ce qu’il vaut comme praticien. – Je ferai du moins mon possible pour ne pas décevoir ceux qui voudront bien se confier à moi. La voix du jeune médecin était un peu basse, avec des inflexions graves et singulièrement prenantes. En parlant, il regardait Viviane et celle-ci baissa légèrement les paupières, troublée par l’étrange beauté de ces yeux à peine entrevus. Tout aussitôt, Mme de Friollet reprenait la parole, expliquait ses maux et son régime au nouveau médecin. Viviane avait pris un siège près d’elle. Distraitement, la jeune fille jouait avec le ruban de sa ceinture. Tandis que le docteur Clenmare écoutait la vieille dame, elle l’examinait discrètement. Sa tenue était simple, ses vêtements presque râpés. Néanmoins, on eût difficilement trouvé plus d’aisance naturelle, une plus rare distinction qu’en ce médecin de campagne. Mais, avant tout, chez lui – dans sa physionomie, dans ses attitudes, dans sa parole nette et calme – se révélaient une nature volontaire, une intelligence supérieure et dominatrice. Cette impression se fortifiait quand on remarquait mieux le pli très ferme des traits finement dessinés, le port de tête légèrement altier, les éclairs qui traversaient le vert profond des yeux. À un moment, sur une réflexion du docteur Lebras, le jeune homme eut un rapide sourire dont le charme transforma pendant quelques secondes sa physionomie. Puis il reprit aussitôt son air de froideur pensive qui imposait à Mme de Friollet, comme elle le confia à sa cousine après le départ des deux médecins. – Je lui préfère mon vieux docteur Lebras, vois-tu, ma petite. Certes, je ne nie point qu’il soit très bien, ce jeune Clenmare, beaucoup trop bien même, à certains points de vue. Il a des yeux admirables... Hum ! oui, beaucoup trop... Mais je n’aime pas cette physionomie... pas du tout. Si, au moins, il me découvrait quelque bon remède pour me fortifier un peu. Tâche d’apercevoir sa mère, pour juger quelle personne elle peut être, et s’il sera possible d’avoir des relations avec elle. Lui est excessivement distingué, impossible de le contester. Peut-être, en nous connaissant mieux, prendra-t-il des airs moins... lointains, plus aimables. – Peut-être, dit Viviane distraitement. – Il n’a pas un type très anglais, bien qu’il le soit par son père, poursuivait Mme de Friollet qui aimait assez le monologue. Sa mère est française et il a fait toutes ses études en France, paraît-il. Ce sont des gens dans la gêne, à en juger par sa tenue à lui et par le très modeste logis qu’ils ont loué. Mais, avec son genre et la science professionnelle que lui prête le docteur Lebras, je ne comprends guère pourquoi il ne s’est pas établi dans une ville importante où le succès lui aurait été vite assuré. – Vous ne vous souvenez pas, ma cousine, de ce que le docteur Lebras nous a dit à ce sujet ? Le docteur Clenmare est un savant qui veut s’adonner en paix à des recherches et, pour ce faire, a choisi un lieu tranquille, où la clientèle ne le dérangera pas trop de son travail. – Oui, oui, c’est fort bien, mais il moisira là dans une quasi-pauvreté. Enfin, si cela lui plaît ! Mais, à la place de sa mère, je n’aurais pas entendu de cette oreille-là. Viviane eut un petit sourire d’ironie en répliquant : – Je ne sais trop s’il aurait été si facile à conduire, ma cousine. Sa physionomie ne le laisse pas supposer, du moins.

editor-pick
Dreame-Editor's pick

bc

Le contrat

read
35.8K
bc

Mon garde du corps ( Un peu trop sexy)

read
15.3K
bc

Parce que tu es ma dame

read
2.3K
bc

Un bébé pour Mia

read
37.2K
bc

La mariée de substitution [Complété]

read
5.9K
bc

L'amour interdit

read
1.8K
bc

Par amour pour toi ( Le destin de Camila et de Juliano)

read
2.9K

Scan code to download app

download_iosApp Store
google icon
Google Play
Facebook